Vinyle, le retour ! Back to basics
Cela n’a pas pu vous échapper : les vinyles ont largement fait leur réapparition dans les bacs des disquaires et des magasins spécialisés, mais aussi sur le web, Amazon offrant un catalogue de 300.000 titres vinyles sur son site. Plus étonnant encore : ce sont des albums d’actualité que l’on trouve, de Diana Krall à Mylène Farmer en passant par Selah Sue et Daft Punk. Il y a donc bien une production actuelle, reprise par les éditeurs, parallèlement aux CD. Bien entendu, l’essentiel des bacs est garni de rééditions des albums mythiques des grands du jazz comme Miles Davis ou les Jazz Messengers, de la pop avec l’intégrale de la discographie des Beatles, Michael Jackson ou Supertramp.
Mais pour écouter ces vinyles, que font les nombreux acheteurs, jeunes et moins jeunes, qui se pressent autour des bacs ? Ont-ils tous ressorti leur vielle platine ou celle de leur père ? Certains oui, mais ils achètent aussi des platines neuves, de plus en plus belles et techniquement abouties. Un peu d’histoire d’abord. Le vinyle, microsillon ou « 33 tours » (il tourne à 33 tours/ minutes), a succédé au « 78 tours » dans les années 45/50, offrant une durée d’enregistrement plus longue, une bien meilleure qualité et la stéréophonie. Le gain en qualité fut tel que l’industrie se mit à fabriquer des appareils de plus en plus sophistiqués pour les lire, de l’électrophone Teppaz à l’apparition des premières chaînes hifi dans les années 50. On dit, à raison, d’une chaîne hifi que sa qualité est celle de son maillon le plus faible, et indéniablement la qualité du microsillon a poussé l’exigence du consommateur, et donc celle de l’industrie, à produire des appareils de plus en plus performants.
Il faut bien entendu retourner le disque au bout de 30 minutes pour écouter l’autre face. Le vinyle étant fragile, la poussière et les manipulations rajouteront finalement des bruits et craquements divers, assez désagréables.
C’est la raison pour laquelle lorsque Philips et Sony ont mis au point le compact disc (ou CD) dans les années 80, les qualités de celui-ci ont immédiatement fait du vinyle un produit dépassé, comme ce fut le cas avec le 78 tours quarante ans avant. Sur le plan technique, on passait de l’analogique à lecture mécanique au numérique à lecture laser. Tout comme le fast food nous a fait oublier la bonne chaire, le fast sound ne nous a-t-il pas fait oublier le vrai son ? Les qualités principales du CD étaient sa taille : 12 cm au lieu de 30, la durée de l’enregistrement qui vous permettait de rester dans votre fauteuil une heure, et sa robustesse : le CD était inrayable et incassable, ou presque.
Eblouis par un tel progrès, personne ou presque, ne prêta trop attention à la reproduction numérisée, un peu froide, voire synthétique, certainement moins naturelle, et qui s’est d’ailleurs améliorée au fil des années. On avait remplacé la danse douce du diamant dans le sillon par un rayon laser, et tassé tout Wagner dans une série de 0 et de 1.
Un peu de technique : pour faire rentrer plus de musique dans un support plus petit, il faut la compresser. Tout le monde comprend aujourd’hui que cela se fait au détriment de la qualité : il suffit d’écouter les formats les plus compressés comme le MP3 pour s’en rendre compte. Ceci ne veut pas dire, bien entendu, qu’il n’y avait aucune forme de compression sur les disques analogiques, mais la compression dynamique était soignée et réalisée par le preneur de son qui cherchait, avec une partition et les musiciens, comment rester au plus près de l’émotion et de l’ambiance que le compositeur voulait reproduire. En outre les disques analogiques ne subissent pas d’échantillonnage, c’est à dire que le temps n’est pas découpé pour être numérisé.
Le raisonnement de départ des ingénieurs était assez radical : peu importe, de toute manière, ce ne sont que des suites binaires. Puis, toujours pour limiter le volume du fichier, ils ont pensé que, l’oreille humaine ne percevant que les fréquences de 20 Hz à 16 KHz, il n’était pas nécessaire de s’encombrer des fréquences plus basses ou plus hautes, puisqu’elles n’étaient pas audibles. Il eût fallu à cette époque se demander pourquoi ces fréquences inaudibles étaient produites par les instruments et l’orchestre. Sans trop rentrer dans les détails techniques, il faut savoir qu’au-delà des sons audibles, les harmoniques supérieures et inférieures jouent un rôle dans le rendu tonal de l’ensemble, la spatialisation, et donc l’image sonore.
Le timbre des instruments est lui aussi modifié, c’est une évidence pour tous ceux qui vont au concert où jouent d’un instrument. Avec ses énormes avantages et appuyé par un marketing des marques et des éditeurs, le CD nous a vite fait oublier le microsillon.
Lorsqu’il faut aujourd’hui décrire avec des mots ce qui différencie un CD d’un vinyle à l’écoute, les mots qui reviennent le plus spontanément et le plus souvent sont : réalisme, douceur, chaleur, présence, respect des timbres, profondeur de la scène sonore. Plus encore, on entend des détails qui ne sont pas audibles sur le CD. Sur certains enregistrements la démonstration est magistrale : l’effleurement de l’archet sur la corde avant l’attaque de la note, la respiration de l’artiste, le naturel : pas de doute, fermez les yeux ils sont là, devant vous ! A l’oscilloscope rien de visible, disaient les ingénieurs. Peut-être, mais on écoute avec ses oreilles, son cerveau ou son coeur et là, la technologie était au bout de ses capacités !
Finalement, depuis quelques temps, un double phénomène fait revivre le vinyle. Tout d’abord, dans le cercle des amateurs de hifi et des audiophiles, afficionados du son ultime, le CD n’a jamais complètement écarté le vinyle, dont ils avaient une collection importante et qui est resté une source vivante de musique.
Un certain nombre de mélomanes n’ont jamais quitté leurs vinyles. Enfin, poussés par une demande croissante, les éditeurs ont ouvert à nouveau des usines de pressage, aussi bien pour les artistes actuels, en quête de qualité ultime, que pour exploiter à nouveau tous les fonds de catalogues des stars des cinquante dernières années. Parallèlement à cela, de nombreuses grandes marques fabriquent à nouveau des platines, de plus en plus sophistiquées. Le phénomène parallèle de la réapparition des amplis à lampes (dits « à tubes ») procède exactement de la même logique, l’écoute qu’ils procurent ayant les mêmes effets.
A noter que les technologies de prises de son d’aujourd’hui, en studio et en live, servent le vinyle de manière encore plus spectaculaire. Un album moderne est donc bien plus démonstratif qu’une réédition. Les meilleures éditions aujourd’hui soignent également la qualité de la matière thermoplastique pour diminuer les bruits de surface et la fragilité. Le poids (180 grammes) a été également un élément de qualité, limitant ainsi les phénomènes de vibration mécanique des vinyles trop légers d’autrefois.
Alors, vinyle ou CD ? Un débat « sucre ou aspartam ? » On ne peut que se féliciter de ce que les excès de la technologie à tout prix nous incitent parfois à reconsidérer si, en facilitant notre vie, elle ne nous a pas amputé d’un peu d’émotion ou de sensibilité, qui ne se numérisent pas. Et de la grande masse des détails qui fait qu’une oeuvre est ce qu’elle est, sans rien lui ajouter ni lui retirer, surtout pas le frisson qu’elle fait naître en nous. Envie d’essayer ? Rendez-vous au prochain Salon de la HiFi et du Home Cinéma, les 28 et 29 septembre prochains au Novotel Paris Tour Eiffel.
Pour en savoir plus : www.hautefedelite.com
Mes coups de coeur sur quelques vinyles remarquables d’hier et d’aujourd’hui que vous trouverez dans les magasins ou sur le web :
Nouveautés :
Robert Cray : Nothing but love (indispensable), Selah Sue : Selah Sue, Diana Krall : All for you (Verve originals), Glad rag doll et The very best , Melody Gardot : The Absence, Amy Winehouse : Back to black, David Bowie : The next day.
Classique :
Stravinsky : Symphonies, chez Decca (2013) Beethoven : Sonates 8 et 10 de Jasha Heifetz, chez DGG (2013). Fous de son ultime ? Essayez Closer to the Music chez Stockfich Records, avec Alan Taylor : sublime !
Rééditions remarquables :
Oscar Peterson : We get resquest (indispensable), Miles Davis : Kind of blue et la sublime BOF : Ascenseur pour l’échafaud, Beatles : Abbey Road, mais aussi tous les autres albums qui ont été réédités. Pink Floyd : Dark side of the moon, Michael Jackson : Dangerous, Thriller et même un rare 20 cm I cant stop loving you.
Et bien entendu, en vrac :
les Chet Baker, Frank Sinatra (d’une incroyable actualité technique), Elvis Presley, Roy Orbisson, Nina Simone etc…