Trois cuisiniers en quête de modernité
Restaurant Rafael
La cacherout est le code alimentaire prescrit par la Bible hébraïque aux enfants d’Israel. Elle définit les critères des aliments aptes (casher) ou non à la consommation et fixe également les règles de leur préparation. Familiale, la cuisine juive n’a jamais fait très bon ménage avec la gastronomie. Aussi faut-il saluer l’initiative de Mickael Lehiani de confier au jeune chef italien Simone Zanoni, étoilé Michelin, le soin de donner de cette cuisine une interprétation à la fois exigeante et respectueuse de la tradition juive. Au Trianon Palace à Versailles, Simone a donné la mesure de son talent acquis auprès du chef globe trotteur anglais Gordon Ramsay. Sous le contrôle du Beth-Din de Paris, il s’emploie désormais à simplifier les recettes, en invente de nouvelles, et recherche avant tout le goût de la vérité des produits. Le thon rouge aux navets longs marinés à la moutarde et au soja, le jarret de veau braisé et purée de pommes de terre à la truffe noire comme le parfait de pommes vertes et shiso, sont certes casher mais avant tout délicieux.
Formule au déjeuner : 48 €. Carte : 80 €. Brunch (dimanche) : 56 €.
105, rue de Prony. 75017 – Paris.
Tél. : 01-44-40-05-88.
Fermé vendredi soir et samedi. Voiturier.
David Toutain
Les jeunes musiciens délaissent aujourd’hui la composition au profit de l’improvisation ; les peintres réalisent des installations. Les jeunes cuisiniers qui se veulent artistes explorent les voies d’une sorte d’abstraction lyrique, comme Miro, dans les années 1950, qui se jouait de la structure et de la texture. L’un des chefs de file de cette nouvelle tendance, le jeune Normand David Toutain, vient d’installer ses pénates à la veille de Noël, dans un grand volume de surface restreinte. Tables de bois brut, sièges fonctionnels et décor minimaliste, la vedette c’est l’assiette : colorée, dépouillée ou profuse, selon les produits. La seiche, découpée en lanières, forme le lit d’une échalote confite, d’une cébette, tandis que l’encre du céphalopode, sur le pourtour, présente quelques taches mystérieuses (notre photo). On avait connu cela avec Gagnaire lorsque le peintre Mathieu semblait l’assister en cuisine. Mais le tour de force ici est que la volonté esthétisante n’entrave pas l’équilibre des saveurs. Tout est sous contrôle. Ce qui pourrait sembler anecdotique est plaisant et même gourmand. Le pigeon à la betterave, fleur et feuille de capucine au curcuma comme la volaille à l’aneth, couteaux et crème d’ail doux, évitent le stéréotype. La logique de cette cuisine commande de boire des vins nature dans lesquels le fruit est respecté par le vinficateur. Service jeune, attentif, sans affêterie ni condescendance.
Menu (42 € (déj.) – 68 € (carte blanche) – 118 € (mets et vins)
29, rue Surcouf. 75007 – Paris.
Tél. : 01-45-51-11-10.
Fermé samedi et dimanche.
Restaurant Saturne
Sven Chartier et Ewen Lemoigne avaient déjà expérimenté la cohérence de leurs approches chez Racines, passage des Panoramas, l’un de la cuisine, l’autre de la cave, avant de s’installer près de la Bourse en 2010. Au décor privilégiant le matériau brut (bois) et la lumière naturelle correspond aujourd’hui un certain dépouillement de l’assiette. Des produits excellents (volailles notamment), une cuisson précise, rien ne paraît laissé au hasard. Le service lui-même est précis, presque austère. La cuisine de Sven Chartier relève d’une démarche esthétique, comme celle de David Toutain. Mais son approche, moins lyrique, privilégie la géométrie (notre photo) dans la poularde du patis, délicate composition de volaille fermière, endives violettes, salsifis et purée de pommes vitelottes. Point de sauce, ni dans le tartare de boeuf, anguille fumée et tête de poireaux proposé en entrée. Sur la scène culinaire s’impose la sobriété, qui peut aller jusqu’à l’ascèse. Les sauces, au nombre de deux cents dans le codex d’Escoffier, sont désormais l’exception. Le service à l’assiette, à la japonaise, ponctue la succession courte de plats allégés et dépouillés. Le peu, le presque-rien et la réserve rythment l’action, comme sur la scène du théâtre Nô. Théâtralité partagée, car le dîneur devient acteur de cette comédie légère. L’attention se concentre sur l’excellence du produit, et de lui seul. Produits magnifiés par cette fameuse technique sous-jacente transmise par la tradition française. Le jeu précis des goûts et des saveurs redevient par transparence et vérité celui des correspondances, où les vins viennent offrir l’accord de leur bouquet.
Au déj. menus : 37 € – 69 €.
Dîner : 60 €.
17 Rue Notre-Dame des Victoires, 75002 Paris.
Tél. : 01-42-60-31-90. Fermé dimanche et lundi.