Sainte Lucie : Paradise Island
Elle fait partie de ces îles magiques que Robinson Crusoé aurait pu élire, tant elle est riche en paysages naturels et sauvages, plages de sable gris ou doré, fonds sous-marins et autres collines boisées. Sur sa côte ouest, de Gros Islet jusqu’à Vieux Fort, ses sites qui dominent la mer Caraïbes sont si pittoresques que des investisseurs américains, australiens et même chinois, commencent à y créer complexes hôteliers et villas de luxe, notamment entre les deux pitons de Soufrière, symbole de l’île et merveille pour les yeux. Bienvenue à Sainte Lucie.
Distante de Fort de France d’un quart d’heure d’avion, cette île au double héritage colonial anglais et français dont le contour ressemble, en plus petit, à la Corse, est indépendante depuis 1979, et même si l’anglais est la langue officielle, que la conduite est maintenue à gauche et que l’on y joue au cricket, ce confetti au sud de la Martinique traîne dans son patois « kwéyol » un fonds de français et une âme de frondeur. On s’en rend compte en découvrant sa toponymie savoureuse : Anse Cochon, Canaries, le Trou au diable, Moule à chique, Anse l’ivrogne… et en côtoyant ce peuple doux et chaleureux, très catholique et sûr de lui. Ce bout de terre, première destination pour les voyages de noces, revendique même d’avoir donné naissance à Joséphine de Beauharnais, l’épouse de Napoléon. Un sol caillouteux qui monte vers Morne Fortune, installe cette impression de virginité. Ici tout semble intact et les criques sablonneuses que l’on perçoit au détour d’un virage paraissent encore inviolées. Les cumulus qui ponctuent le ciel n’empêchent jamais le soleil de briller. Après avoir laissé sa capitale Castries (du nom d’un maréchal de Louis XVI), son marché aux épices, ses pêcheurs vendant leurs prises du jour sur les trottoirs et les énormes paquebots de croisière qui transitent sur la pointe Séraphine, une visite à la Maison Rose (Pink House) de Michelle Elliot s’impose pour l’authenticité de cette demeure coloniale laissée dans son jus et les magnifiques objets de poterie colorés de sa propriétaire. Du balcon, un point de vue époustouflant sur la baie et les très beaux arbres – flamboyants, tamarins, gommiers, kalabash… – d’un endroit magique où l’on peut déjeuner. En poussant vers le nord jusqu’à Gros Islet, la route conduit à Cap Maison, un hôtel délicieux en bord de mer, d’où toutes les excursions sont possibles, notamment Cap Estate pour sa végétation sauvage ou le parc naturel de Pigeon Island, promontoire rocheux battu par les vents qui retient en mémoire les épisodes de la bataille des Saintes qui mit aux prises les Français face aux forces de la perfide Albion. C’est ensuite par un chemin grimpant et mal carrossable qu’il faut se perdre dans la forêt humide, jungle tropicale ébouriffante où se perchent les « Jaco », perroquets devenus l’emblème insulaire, sur les branches des gommiers géants et des caroubiers. Vers le col, il est possible de survoler la canopée dans une nacelle ou de frôler magnolias, hibiscus ou manguiers en tyrolienne. Retour ensuite à Rodney Bay, sa marina et la longue plage de sable blanc de Reduit Beach. Ici une halte est conseillée au « Blue Olive », petit restaurant français magistralement tenu par le chef Xavier Ribot à la cuisine inventive baignée dans la veine créole… A bord d’un Catamaran Mooring qu’il est possible de louer à la journée, il faut longer la côte escarpée où tortues et dauphins se donnent parfois rendez-vous, avant de mouiller l’ancre dans l’anse protégée de Marigot Bay. Cet ancien refuge de pirates est un spot incontournable pour les bateaux de plaisance qui viennent s’approvisionner dans les boutiques élégantes de ce petit Saint Tropez avant d’appareiller vers les Grenadines ou la côte vénézuélienne.
Plus loin, deux échancrures colorées sur le tracé d’une côte très escarpée, ourlée du bleu profond de la mer Caraïbe : Anse-La-Raye et Canaries. Débarquez dans ces bourgades aux maisons de pêcheurs en bois peint et aux barques multicolores tirées sur la grève, est un vrai délice. Le mieux est d’y arriver un vendredi soir pour participer à l’une des street parties durant lesquelles les locaux s’imbibent de rhum ou de Piton (la bière locale), grillent des poissons dans la rue et se déhanchent sur des rythmes tonitruants de socca, de calypso et de reggae. En mettant le cap au sud, vers Soufrière (prononcez Soufré) l’une des plus belles baies de l’île, il n’est pas rare de voir quelques oisifs jouer aux dominos devant l’église où l’on battait autrefois les esclaves. Sainte Lucie n’a pas connu d’éruption volcanique depuis trois siècles, pourtant en dépassant l’hôtel Chocolat et ses plantations de cacao, des fumerolles et des boues en ébullition fortes aux odeurs d’oeuf pourri sont bien là pour attester que les volcans de l’île ne sont qu’assoupis. Voilà enfin les deux célèbres pitons, le gros et le petit, qui culminent à 750 mètres au-dessus de la mer, sont classés par l’UNESCO au patrimoine mondial, et entre lesquels se niche sans doute l’un des resorts les plus huppés de ce coin de Sainte Lucie : Sugar Bach (Jalousie plantation), propriété de l’ancien comptable des Rolling Stones qui a rénové sur une large plage de sable gris l’un de ces complexes luxueux dont raffolent milliardaires en goguette et stars du show business et d’Hollywood. C’est dans ses salons confortables et modernes décorés de sculptures et de tableaux contemporains qu’a convolé Matt Damon en justes noces. Les bungalows face à la mer et les villas perchées ont un tel succès que plusieurs maisons actuellement en construction ont été achetées plusieurs millions de dollars par des magnats du pétrole ou du web. Ne pas rater un massage dans un SPA au look digne d’Indiana Jones. Un autre resort situé sur le site d’Anse Chastenet reste très convoité des amateurs de plongée pour ses coraux, ses hippocampes et sa faune marine : Jade Mountain, un cinq étoiles superbe et son petit frère Anse Chastenet prônent les chambres à trois murs, ouvertes avec une vue à couper le souffle. On s’y endort face aux étoiles, sans radio ni TV mais bercé par le chant des oiseaux et le cri des grenouilles naines. Lorsque le soleil vire du violet à l’écarlate, il faut savoir s’aventurer vers la pointe sud à la découverte des villages de Choiseul, Laborie et Vieux fort pour goûter au plaisir de lieux peu visités où l’indolence et la simplicité de vivre restent un art quotidien.