Pointure N°35 est en kiosques et sur tablettes
Ainsi deux modèles observés séparément peuvent paraître semblables ; il faut les mettre l’un à côté de l’autre pour constater tout ce qui les différencie, des piqûres aux doublures en passant par les trépointes aux points non marqués, les fils apparents, l’absence de roulette de finition… Soudain les deux chaussures n’ont plus du tout la même allure. Il n’y a pas de mystère : la différence entre les deux tient au temps passé pour les fabriquer.
Le problème est que beaucoup d’acheteurs ne s’offusquent pas de l’absence de ces marqueurs. Pire, même : ils ne la remarquent même pas, et certains s’offrent des chaussures prêtes à porter en pensant accéder à un succédané de mesure. Or il n’est que de visiter les vitrines mesure de John Lobb, rue Boissy d’Anglas, pour prendre la dimension de la distance qui sépare les deux spécialités. Les modèles exposés sont sublimes, et justifieraient que les amateurs y fassent pèlerinage. Las : lorsqu’Aubercy offrit au public, avec l’exposition Okuyama, de découvrir les créations d’un bottier parmi les meilleurs, de surcroît inconnu en France, elle n’enregistra pas une fréquentation record… C’était pourtant une belle occasion d’enrichir nos compétences. Des amateurs japonais de passage à Paris sont venus apprécier : pas de surprise à ce que ce soient quasiment les seuls capables d’identifier un good’ fait à la main d’un good’ industriel.
Au bout du compte ce qui fait la substance de la mesure est le plaisir qu’elle doit donner à son propriétaire. Celui de la belle ouvrage, réalisée dans le respect de la tradition – et entièrement à la main, bien entendu. Des heures de travail, l’expression d’années d’apprentissage et d’expertise.
En déclassant les vêtements à peine sont-ils lancés, la frénésie de la mode a modifié la notion de durabilité et influé sur celle que l’on attend de nos souliers. Heureusement la chaussure homme y est-elle moins inféodée que son alter ego féminin, et relève encore, pour ses amateurs, d’une véritable passion.
C’est à cette dernière que nous devons de compléter notre mission d’information envers les amateurs d’une exigence d’éducation envers ceux qui découvrent le caractère passionnant de notre microcosme. Nous saurons que nous aurons réussi le jour où ces nouveaux impétrants sauront apprécier et remarquer la beauté d’une façon main.