Pointure N°42 – guide Printemps-Eté 2015 en kiosques et sur tablettes
Comme le corps médical, le monde de l’automobile parle de généralistes et de spécialistes. Un classement pas évident pour le profane, lorsque l’on sait que sont considérées comme spécialistes des marques comme Audi et BMW, face aux généralistes que sont les Renault, Ford et autres géants… Comment qualifier dans ce cas les Bentley, Ferrari et autres Aston Martin ?…
Notre petit monde a aussi ses généralistes et ses spécialistes, et dans un cas comme dans l’autre, la distinction se fait sur le positionnement du produit. Aux premiers le marché de masse et la production de gros volumes, aux seconds des modèles plus exclusifs et une production plus restreinte, quelquefois même carrément confidentielle, destinée à une clientèle plus sélective. Traditionnellement, les poids lourds du métier se cantonnaient jusqu’à présent à un style aussi consensuel dans le fond que dans la forme et laissaient les créations plus typées aux petites maisons indépendantes, qui trouvaient dans ce segment de marché l’occasion de faire valoir une créativité plus pointue.
Cette année la conjoncture économique fait un peu bouger les lignes : face à une offre raréfiée de la part des petites maisons indépendantes, les plus réactifs parmi les poids lourds de notre spécialité proposent des collections plus variées et plus intéressantes que jamais.
La lecture de ce guide est éloquente, qui permet de découvrir des modèles impensables il y a deux ans seulement chez Bexley, Bowen, Fairmount, « généralistes » qui ont su sentir le temps parmi les premiers. D’un autre côté, après l’effondrement des marques dites de créateurs : Barbato, Paciotti et autres Rautureau, acté depuis l’année dernière déjà, ce sont de nouveaux arrivants venus de l’univers féminin qui changent la donne en proposant une chaussure masculine à la fois fashion et portable : grâce soit rendue ici au duo Louboutin
– Jimmy Choo, qui ouvre une perspective nouvelle à notre spécialité. De manière plus pointue – sans jeu de mots – on note également que les derniers partisans des « fusées » comme Gérard Sené et Henrique Enko, commencent eux même à revoir leur copie et à raccourcir leurs formes. Exit donc les effets de style spectaculaires mais gratuits et place à des souliers plus légitimes, qu’ils soient habillés, casual ou sport : on s’aperçoit au bout du compte qu’après une période faste qui a donné naissance à des expressions exagérément provocantes, on en arrive aujourd’hui à une chaussure homme justement équilibrée entre fondamentaux et tendance, à la manière de son pendant féminin.
Une manière de boucler la boucle.
Yves Denis