Parce qu’il y a chaussure et chaussure
Les amateurs de beaux souliers – et ils sont de plus en plus nombreux – le savent : il y a chaussure et chaussure. D’un côté un marché de masse principalement constitué de modèles sans grande personnalité et destiné au plus grand nombre, de l’autre une petite cinquantaine de maisons respectant des exigences de qualité de fabrication élevées, et s’adressant à une minorité d’amateurs dûment informée. Au sein de cette minorité existe une sorte de premier cercle, plus infime encore, occupé par une vingtaine de maisons qui perpétuent un savoir-faire patrimonial et font le bonheur des vrais connaisseurs. Celles-ci constituent le terrain de jeu de notre confrère Pointure et de quelques officines spécialisées comme Upper Shoes, qui se fait un devoir de ne proposer qu’une sélection de modèles effectuée avec soin et dans un souci d’exclusivité, et présente cette rubrique.
Décontraction Italienne
En Italie, chaussure estivale signifie souvent mocassin, et tout aussi souvent veau-velours. Démonstration par l’exemple avec les nouveautés Fratelli Rossetti du printemps : les mocassins à plateau Cobalt et Gentiane, qui proposent deux nuances de veau-velours bleu et optent pour des esprits différents : plus habillé pour le premier, à plateau pincé, monté sur une forme classique et pourvu de pampilles décoratives, et plus farniente pour le second, monté sur une forme plus basculée et habillé d’un simple blind strap. Tous deux sont montés sur des semelles cuir fines et légères, pour le confort.
Plus simple mais aussi plus typé, le slipper Rubis (de son vrai nom 51814, ce qui est nettement moins romantique) répond à la nouvelle tendance visant à utiliser l’Albert slipper en extérieur avec une tenue plutôt typée dandy style. D’où la nécessité d’être doté d’une vraie semelle de cuir, fut-elle fine, ce qui est le cas ici. Respectivement 270, 275 et 240 euros.
Vision grand angle
Clientèle planétaire oblige, Santoni propose une vue beaucoup plus large de la chaussure d’été. On pourrait parler ici de vision grand angle, la maison de Civitanova couvrant le marché depuis le mocassin veau-velours habituel jusqu’à la tennis toilée en passant par le cuir tressé. Tout en réussissant, et cela suppose expérience et talent, à proposer des créations vraiment personnelles. La preuve par quatre ici, avec d’une part un tassel loafer en veau-velours marron et pampilles bleu nuit (une audace typiquement italienne et indiscutablement réussie), d’autre part une double boucle en cuir, bleu et marron ici aussi, dont l’étonnante particularité est de bénéficier d’un patronage estival, notamment caractérisé par sa très grande ouverture et le dessin effilé de sa forme à monter, et par ailleurs un derby empeigne unie tressée (mais quartiers en cuir lisse) qui parvient à ne pas passer pour pépère, et une tennis en cuir et toile de lin bicolore (en versions toile et cuir gold et toile et cuir bleu marine) qui apporte au genre une tenue bienvenue. En bref la démonstration d’un savoir-faire qui n’étonne plus personne et d’une création qui force le respect.
Mocassin Aliseo : 489 euros, double boucle Nice : 489 euros, derby tressé Moore : 559 euros, tennis Clean : 339 euros.
Prêt-à-porter, demi-mesure et mesure
Bien connue des amateurs les plus exigeants, la maison parisienne Aubercy fête cette année ses 80 ans. Toujours 100% familiale, l’entreprise s’est donné les moyens de marquer dignement l’événement en embauchant le maître bottier japonais Yasuhiro Shiota, qui a mis l’année 2014 à profit pour développer, en collaboration étroite avec Xavier Aubercy, une série de formes et de patronages typiquement bottiers. Parallèlement à cet investissement qui lui permet de soutenir sans ciller la comparaison avec les noms les plus prestigieux, la maison continue de développer ses collections en prêt-à-porter et en demi-mesure (une véritable demi-mesure académique, que beaucoup d’autres n’hésiteraient pas à appeler mesure tout court ! ) et de proposer à ses clients des modèles qui gardent pour eux, au fil des ans, cette dimension artisanale unique qui fait le bonheur des connaisseurs. Sur nos documents la driver shoe Etretat, proposée dans pas moins de cinquante couleurs différentes, le mocassin Lupin décliné pour sa part dans une grosse demi-douzaine de couleurs parmi lesquelles cette originale version bleu marine et rouge, et deux chaussures tropicales appartenant à la ligne Mesure : un très traditionnel richelieu bout golf baptisé Philippe et un plus décalé derby bout droit appelé Ernest. L’Etretat standard est vendu 375 euros, embauchoirs compris, le Lupin 950 euros et les Philippe et Ernest 1350 euros.
Basket de luxe
Il y a un an Berluti créait l’événement en lançant son premier sneaker, baptisé Playtime. Pas question évidemment pour la maison de proposer un simple sneaker de plus par rapport au marché. De fait, en revendiquant une tige one cut, un montage soigné, une patine et des points main, le modèle rappelait son ADN et reprenait à son compte l’esprit bottier maison. Il est aujourd’hui décliné en versions basses et proposé dans différentes couleurs de cuir et de veau-velours.
L’âme du bottier
Il n’est décidément pas facile de renier ses origines, Pierre Corthay en a fait l’expérience et en fait la démonstration avec ce modèle prêt-à-porter qui respire très fort l’esprit bottier. Nous avons en effet affaire à une création forte et originale associant deux types de patronages : la lazy shoe à élastiques et l’escarpin one cut. Ce à quoi le bottier parisien ajoute « le confort d’un mocassin » (sic)… Nous soulignerons pour notre part le superbe veau-velours de qualité (très) supérieure, les bords anglais contrastés en cuir blanc, le laçage fictif agrémenté d’oeillets en trompe l’oeil, le montage à la fois sport et urbain… Un vrai must de casual chic à adopter dès les premiers beaux jours.
Le retour du salomé
Les shoe freaks remarqueront cette année le retour du Salomé, proposé par plusieurs maisons (et non des moindres) qui ne se sont pourtant vraisemblablement pas concertées mais se sont souvenu de l’adéquation de cette chaussure avec l’esprit de l’époque. Le modèle le plus bottier est indiscutablement le Rangoon d’Edward Green, proposé en cuir gold et dans une insolite mais très séduisante version en cuir frappé façon croco grège. 895 euros.