Morand-Nimier : correspondance de Hussards
Sans surprise, cette correspondance éclairée et respectueuse témoin d’une époque où l’on célébrait les lettres – dans les acceptions calligraphique et culturelle du mot – nous est proposée par le label NRF Gallimard. Pastiches littéraires, analyses des nouveaux bolides, commentaires sur le talent de Joyce ou de Talleyrand : au fil de 485 lettres, Paul Morand et Roger Nimier chroniquent leur époque et leur quotidien sur le ton sec et percutant qui a caractérisé les Hussards. Douze années d’une correspondance suivie entre un père et un fils putatifs, douze années d’une affection, d’une amitié et d’une estime réciproques. D’une fidélité infaillible aussi, celle de Morand protégeant les Hussards dont il a suscité l’éclosion et nouant la relation quasi filiale que l’on sait avec leur chef de file, celle de ce dernier aussi, délaissant son oeuvre pour défendre l’auteur d’Hécate négligé depuis ses années d’exil.
Près de cinq cents missives écrites sur le style scandé et péremptoire alors éminemment moderne, qui rompait avec celui plus classique des existentialistes et marqua le mouvement littéraire dont ils furent, avec Jacques Chardonne, les piliers. Legs émouvant que ces échanges entre le grand épistolier que fut l’homme pressé (dont les lettres offraient « de fulgurantes visions sur la politique, les moeurs, l’histoire ou les élans du coeur » comme le rappelle Michel Déon dans sa préface de Lettres à des amis et à quelques autres, éd. La table Ronde 1978) et celui qui défraya la chronique en conduisant sa Jaguar à 200 km/h (« On vous reprochera votre Jaguar toute votre vie. On oubliera (…) votre talent, mais la Jaguar, jamais ») et trouva la mort au volant d’une Aston Martin. Parce que par bien des côtés, la vie – et la mort – de Roger Nimier ressemblent à ces films qui le passionnaient (il a apporté ses talents de scénariste à certains d’entre eux) et dans lesquels il trouvait une échappatoire à une époque trop mesquine, gageons qu’il aurait apprécié cette publication intime.