MES CHAUSSETTES ROUGES
Rappelons en préambule LA règle d’or : jamais de chaussettes basses. Ce point n’est pas négociable. Oubliez une fois pour toutes les modèles bas ou même mi-mollets : la seule taille qui vaille est celle du mi-bas, qui monte jusqu’en-dessous du genou. De la même manière que l’on conçoit parfaitement de troquer la chemise pour un polo à manches courtes en été (la chemisette à manches courtes étant elle aussi à bannir définitivement de votre vestiaire, à moins de tenir absolument à passer pour un indécrottable plouc), il faut admettre une fois pour toutes qu’il en va de même pour les chaussettes et que, sauf pour faire son jogging, le mi-bas est aussi indispensable au pantalon que le noeud papillon l’est au smoking. Avec un petit 10% du marché français (contre 80% du marché italien), le mi-bas n’est pas encore entré dans la culture hexagonale et a donc de beaux jours devant lui, pourvu qu’il se trouve quelques prescripteurs (dont nous faisons partie, mais nous comptons sur vous, lecteurs, pour parfaire la culture de vos proches) pour éduquer les populations ignares.
Ce principe de base acquis, il est facile de ne pas se tromper pour accessoiriser un costume noir, gris ou bleu marine : des mi-bas unis de la même couleur, en laine pour l’hiver et en fil d’Ecosse pour l’été, font parfaitement l’affaire, et on en trouve dans toutes les bonnes boutiques de chaussures et dans tous les grands magasins.
Les choses se compliquent lorsqu’il s’agit d’accessoiriser un costume un peu plus personnel, de couleur et de motifs plus originaux. Prenons une laine marron glacé à carreaux fenêtre bleu dur – un classique de la tenue casual chic – par exemple, et il faut déjà un peu plus de maîtrise. Mais corsons encore et prenons un tissu abricot à carreaux orangés et contre-carreaux bleu roi, ajoutons-y un gilet blanc cassé et complétons l’ensemble d’une paire de richelieu patinés, et le choix de la paire de chaussettes réclame cette fois un goût très sûr.
Et une sacrée bonne adresse. Car la grande difficulté consiste à trouver la perle rare. En effet trouver de bonnes et belles chaussettes est loin d’être facile car les magasins de chaussures se limitent généralement aux unis de base (noir, gris, éventuellement beige), ne serait-ce que pour des raisons de volume de stockage, tandis que les grands magasins, qui n’ont pas ce genre de problème, proposent une pléthore de marques mais se limitent également aussi aux basiques, chaque maison tenant à avoir sa part du gâteau grand public. Dans un cas comme dans l’autre, varier les couleurs et les motifs tient du vœu pieux. Quelques rares maisons, bien connues de nos lecteurs, proposent un choix plus large, c’est notamment le cas de Caulaincourt ou Marc Guyot. Et puis il y a Internet, sa dématérialisation, son choix virtuellement infini, et ses contraintes : inexistence physique et même anonymat du vendeur, impossibilité de toucher le produit pour en apprécier la texture et la couleur exacte (une photo peut être trompeuse), attente de la livraison, question de la taille… Bonne nouvelle : le site Mes Chaussettes Rouges, spécialisé dans les mi-bas pour connaisseurs, vient d’ouvrir boutique à Paris.
Nous sommes reçus par Vincent Metzger et Jacques Tiberghien, guère plus de cinquante ans à eux deux, qui ont créé le site, l’ont développé et viennent d’ouvrir une boutique qui n’a pas vocation à être démultipliée. Sur les rayonnages des dizaines et des dizaines de mi-bas de toutes couleurs et de toutes matières. Rouge, orangé, jaune, bleu, violet, mauve, vert : une variété de couleurs réjouissante, déclinée dans une variété de tonalités qui l’est tout autant. Même enthousiasme pour ce qui est des matières : fil d’Ecosse et laine bien sûr, mais aussi cachemire, soie et lin, et même des matières plus inattendues, comme le Yak.
Pointure : Comment est née l’histoire de Chaussettes Rouges ?
Vincent Metzger : « Il y a cinq ans, en vendant sur Internet la marque Gammarelli, qu’on ne trouvait pas ailleurs qu’à Rome et qui est une marque très emblématique parce que depuis 1798 elle habille le pape, les cardinaux et les évêques de Rome. Certains amateurs pointus allaient la chercher là-bas, et parmi ceux-là Edouard Balladur et François Fillon qui avaient fait parler d’eux pour leurs chaussettes rouges. On trouvait cette marque amusante et on s’est dit ensuite qu’il serait intéressant de la vendre en ligne parce que le processus de commande était jusque là très laborieux : ils ne parlaient pas anglais, il fallait envoyer les commandes par fax ou par télégramme (lequel figure encore sur l’en-tête de leur papier à lettre !), faire un virement, c’était compliqué… Les gens de Gammarelli sont excellents dans ce qu’ils font, mais ne sont pas des hommes de commerce ni de marketing. On a commencé doucement et au fur et à mesure notre accord avec eux s’est formalisé et consolidé, jusqu’à ce que nous ayons aujourd’hui l’exclusivité mondiale de la vente de leurs chaussettes.
Vous commencez donc avec Gammarelli…
…et cela se vendait bien, mais leurs couleurs sont limitées : ce sont le rouge, le violet et le noir, et certains de nos clients regrettaient de ne pas en avoir plus. Petit-à-petit nous avons développé l’offre, d’abord avec Mazarin, marque créée par le tailleur Stark & Sons pour accessoiriser l’habit vert des Académiciens, et ensuite avec d’autres marques connues des spécialistes mais difficiles à trouver en France : Bresciani et Gallo. Soit la majorité des marques de chaussettes de luxe : Gammarelli dont vous venez de rappeler l’histoire, Bresciani qui fait partie des trois ou quatre meilleurs du monde, Mazarin… Manquent Solzi Calze, la Rolls des chaussettes, et Pantherella. Il n’y aurait pas eu de valeur ajoutée à intégrer aussi Pantherella parce que nous voulions éviter la redondance parmi nos marques – par exemple on a du noir chez Gammarelli, il est inutile d’en proposer par ailleurs, et profitons de la place ainsi gagnée pour diversifier notre offre en motifs, matières et épaisseurs uniques. Et enfin nous avons élargi l’offre avec des chaussettes de sport pour la chasse, le ski et l’équitation, qui sont trois sports pour lesquels
les chaussettes comptent, parce que avoir froid aux pieds en skiant gâche le plaisir, même à Gstaadt ou St Moritz, parce que pour l’équitation les chaussettes doivent être à la fois chaudes et confortables, mais aussi fines pour aller parfaitement avec les bottes sur mesures, et parce qu’il y a autour de la chasse un folklore particulier avec les knickers. Nous avons trente modèles de chaussettes de chasse, fabriquées en Ecosse. Nous voulions avoir l’offre la plus complète dans ce domaine, et c’est le cas. Il y a en France plusieurs milliers de personnes qui chassent en knickers, et qui jusque-là ne trouvaient pas ces produits.
Le golf ?
On a un modèle, mais on n’a pas encore trouvé celui qui nous satisfera pleinement, on y travaille, à la recherche d’un modèle qui ait une vraie valeur ajoutée par rapport à ce que l’on trouve par ailleurs dans le commerce.
Comment vous êtes-vous connus, tous les deux ?
Jacques Tiberghien : « Nous avons fait notre prépa d’école de commerce ensemble, nous étions tous les deux amateurs et nous nous sommes découvert le même intérêt pour Gammarelli, que l’on a presque pris comme un projet de fin d’études. Et comme ça a très vite fonctionné, on a continué. On dit souvent, s’agissant d’une chaîne hifi, que sa valeur est celle de son maillon le plus faible ; pour les chaussettes on trouvait dommage qu’il y ait des fabricants de chaussures et des bottiers extraordinaires, et des tailleurs qui sont de vrais artistes, mais qu’il n’y ait pas d’offre à ce niveau en terme de chaussettes, et nous nous sommes dit que l’on pouvait fournir cette offre.
Avantage de la maison pour les amateurs : à travers les différentes marques, vous proposez tous les motifs connus. On les liste ? Il y a les chevrons, un motif très sympa qui va avec beaucoup de costumes car ils sont discrets, surtout quand on est dans des couleurs ton sur ton ; le pied de poule qui permet d’assortir les couleurs, et qui peut simplifier la liaison entre pantalon et chaussures ; le motifs inter-côtes avec un tricotage vanisé (technique de tricotage qui consiste à cacher un fil derrière l’autre, ce qui fait qu’avec un tricotage vanisage une chaussette marron avec une côte bleue mise à l’envers deviendra une chaussette bleue avec une côte marron, ce qui permet d’avoir deux paires de chaussettes en une) ; le caviar, qui vient d’arriver et fonctionne très bien, qui est un faux uni, qui apparait uni à quelques mètres mais révèle que ce n’en est pas lorsque l’on s’approche, et donne un grain superbe. On a notamment une teinte qui va merveilleusement bien avec les chaussures en veau grené gold, avec lesquelles le motif caviar donne cette impression de grain et c’est superbe. Et puis on a toutes les sortes de rayures, verticales et horizontales, fines et larges, et notamment une réédition par Gallo d’un modèle à rayures horizontales 2 mm créé pour le Duc de Windsor. Il y a aussi le motif Argyle à losanges, qui a côté plus british et que certains utilisent comme chaussettes de golf. Dont l’Intersia est une variation… Exact. Et puis il y a les rendus, très différents d’une matière à une autre : un caviar n’aura pas le même rendu sur une laine qu’un caviar sur coton. Ce qui est valable aussi pour les couleurs : un rouge sera très différent en laine et en coton ou en lin ou soie.
Les matières ?
Nous avons voulu avoir une offre unique, et nous avons de la soie, du cachemire, du fil d’Ecosse, des laines mérinos de Nouvelle Zélande douces comme du cachemire et moins fragiles, de la vigogne, de l’alpaga, du yak… Pourquoi une boutique alors que l’affaire marche très bien sur Internet ? Vincent : « Nous n’avions que des bureaux et beaucoup de clients souhaitaient pouvoir voir les produits et pouvoir les retirer immédiatement, et nous n’étions pas organisés pour cela. Notre idée était de se développer sur Internet, qui se prête très bien à cette activité parce que les spécialistes sont peu nombreux et disséminés à travers le monde. D’où l’idée d’une boutique qui incarne le concept. On y accueille les gens pressés qui veulent leurs chaussettes immédiatement, des étrangers de passage à Paris qui habitent des endroits mal desservis, et des passionnés, qui viennent quelquefois avec dix pantalons pour les assortir parfaitement. A titre anecdotique, la boutique nous aussi permis de connaître des clients que l’on sert depuis cinq ans par Internet et que nous ne connaissions pas, et ça c’est très sympa ».
COMBIEN ÇA COÛTE ?
Compter environ 20 euros pour une paire de mi-bas unis, 22 à 23 euros pour les modèles à motifs, 49 euros pour les cachemires, 32 les soies, 34 euros les laines épaisses à motifs norvégiens, 70 euros les chaussettes chasse avec garters et 24 euros les lins.
Informations pratiques :
Magasin : Mes Chaussettes Rouges : 9 rue César Franck 75015 Paris
Métro Ségur, Sèvres-Lecoube, Duroc
Ouvert du lundi au vendredi sans interruption de 10h à 18h et le samedi de 11h à 18h
Boutique en ligne : http://www.meschaussettesrouges.com/fr/