Le Terroir Parisien
Au lieu de courir après les chimères de la cuisine moléculaire, il s’est mis en quête de retrouver les derniers champignonnistes de Saint-Ouen-l’Aumone qui cultivent encore les champignons de Paris, puis la Famille Berrurier à Neuville-sur-Oise, qui bichonne, à côté du chou de Pontoise, la fameuse asperge d’Argenteuil et assure elle-même son ensemencement variétal. Cette culture avait pratiquement disparu, autant à cause de son faible rendement qu’en raison de l’urbanisation galopante de la banlieue. Il décida de pousser ses investigations comme un chercheur universitaire, s’entoura d’une petite équipe, et recensa les derniers témoins d’une époque qui appréciait aussi le chasselas de Fontainebleau, les petits pois de Clamart, les pêches de Montreuil, le haricot de Bagnolet ou la carotte de Crécy. Les huit départements franciliens, et les 25 terroirs recensés, abritent toujours 6 500 agriculteurs qui cultivent, élèvent ou fabriquent, le cresson de l’Essonne, le miel du Gâtinais, la menthe poivrée de Milly, l’agneau d’Ile de France, la volaille de Houdan (IGP et AOC) et le brie AOC (Meaux, Melun). Passant de la recherche à l’application, Alleno mit en pratique ses découvertes, et imagina sous le nom de Terroir Parisien un menu servi chaque jour au déjeuner à l’Hôtel Meurice à partir de 2009. Cette expérimentation se traduisit l’année suivante par un livre de recettes nouvelles, véritable re-créations à partir des produits et des usages anciens. Qu’est-ce que le pâté Pantin, le coq en pâte, le bœuf miroton ou mironton, la niflette de Provins ? L’idée s’imposa très vite de créer, à la faveur de la réhabilitation du Palais de la Mutualité, un bistrot moderne consacré à cette patiente recherche. C’est ainsi qu’est né le Terroir Parisien, ouvert le 10 mars 2012, dans un décor contemporain de l’architecte Jean-Michel Wilmotte. Poussant la démarche, Yannick Alleno s’est souvenu des sandwichs qu’il dégustait aux halles de Rungis, autant que du « sandwich de voyou » décrit par San-Antonio dans « Remouille-moi la compresse ! » :
« Je suppose que vous connaissez l‘sandwich de voyou, m’sieur le président […] : hareng à l’huile, oignons frais. » Vu par Yannick Alleno, c’est un hot-dog dont la saucisse est remplacée par un délicat assemblage de tête de veau, composé d’une partie craquante, de chair de la joue et d’une farce de veau, largement badigeonné de sauce gribiche, glissé à la commande dans une baguette croustillante. Un rêve délicieusement gourmand : le veau-chaud est proposé au comptoir du Terroir Parisien au prix de 9 euros. A la carte, compter de 30 à 45 euros. Ouvert tous les jours.
Le Terroir Parisien
20, rue Saint Victor – 75005-Paris, dans la Maison de la Mutualité.
Parution dans Dandy N° 39
Les bonnes tables de Jean-Claude Ribaut
Chroniqueur gastronomique au Monde, co-auteur de nombreux ouvrages, Jean-Claude Ribaut est le chroniqueur français dont la curiosité et l’exceptionnelle connaissance des produits fascinent par leur apparente simplicité. Voyages, lieux, saveurs de l’ici et de l’ailleurs, architectures, il nous fait l’amitié d’écrire pour Dandy, au fil de ses goûts. Voyage, rencontre, architecture, gourmandise ; sa curiosité est un plaisir de lecture.