Le Telfair : retour aux colonies
Atmosphère, atmosphère… Au-delà des prestations hôtelières cinq étoiles, c’est par celle dans laquelle le client se trouve en immersion dès les premiers instants, que l’Heritage Telfair fait la différence avec les autres établissements de luxe de l’île Maurice.
Oubliez le Palm plus prestigieux mais plus vieillot, le Touessrok jouissant de la proximité de l’Ile aux Cerfs, le confort patricien du Saint Géran : avec un même niveau de luxe, le Telfair joue sur un autre registre, celui de l’Histoire et de l’incomparable atmosphère coloniale. Le resort occupe quinze hectares du Domaine de Bel Ombre, qui s’étend entre l’océan indien et les contreforts de la chaîne de montagnes de Plaine Champagne, traversé par la rivière des Citronniers et la rivière Saint Martin, et passé la double grille de fer forgé qui ferme le domaine, le visiteur s’extrait du cours du temps et passe, tel Alice, de l’autre côté du miroir.
Comme la voie pavée par laquelle on y accède, l’architecture du bâtiment de réception par lequel il découvre l’établissement fleure bon l’esprit colonial des Etats du Sud de l’Amérique du XIXème siècle. On pourrait être à la Nouvelle Orleans. On découvre une construction d’un luxe discret, élégant mais non tapageur, et il faut traverser un pont enjambant un bras de mer pour découvrir le spectacle de l’océan Indien au bout de la majestueuse perspective d’un bassin, d’une piscine et d’un kiosque abritant un bar. De part et d’autre, des constructions de bois blanc et de pierre de style colonial. On a l’impression d’être dans le décor d’un film historique entre Gatsby et The White Mischief. Les différents ponts de bois enjambant la rivière des Citronniers rappellent le Touessrok, mais pour le reste la personnalité du Telfair est sans comparaison à Maurice.
Atmosphère coloniale
Si l’ambiance est résolument ancrée dans le XIXème siècle, dans le détail on pense plutôt au village du Prisonnier qu’aux décors d’Out of Africa, chaque coin ou recoin du domaine étant scrupuleusement entretenu. Audelà du calme et de la sérénité qui règnent partout, des allées ombragées aux plus larges terrasses, le nouvel arrivant est marqué par la variété des lieux qu’il découvre en flânant : c’est ici l’ambiance bucolique d’un coin jardin avec quelques tables et chaises (on pense à Orgueil et préjugés) ; là un bar sous une véranda, plus loin le bassin de mosaïque bleu marine d’une grande piscine sur fond de plage et d’océan… Au Cavendish, aucun doute : l’endroit convoque le souvenir d’Hemingway à Key West. Ouvert aux quatre vents, le bar principal de l’hôtel invite à prendre son temps et profiter du charme des lieux. Il y a là un coin piano doté d’un demi-queue, une salle de snooker aux airs de bibliothèque anglaise ouverte sur la rivière, divers espaces de repos pourvus de canapés, répartis autour du grand bar central de bois sombre.
Décor et atmosphère encore différents au Château de Bel Ombre : là nous sommes en plein dans Autant en Emporte le Vent, on ne serait pas étonné de voir apparaître Clark Gable. De pur style colonial (on se croirait en Louisiane), le bâtiment accueille pour le petit déjeuner et le dîner ceux qui veulent changer de décor et faire une infidélité au bord de mer. Ils se plongent ici dans une atmosphère de propriété sucrière XIXème. Les palmiers qui bordent la plage sont remplacés par une impressionnante perspective sur les jardins à la française et, au-delà, sur le golf et la montagne. Grandiose. Les habitués de Maurice penseront au cadre délicieusement suranné du Domaine des Pailles il y a vingt ans. De gros murs de pierre volcanique noire, des varangues, des pièces intérieures en lambrisserie, différents salons et salles à manger… Dehors un salon de jardin qui somnole sous les branches d’un ficus deux fois centenaire parfait cette impression d’avoir pénétré un monde de vieux propriétaires terriens. Cette atmosphère romanesque n’est – évidemment – pas un hasard, mais due au cahier des charges demandé par le groupe Heritage aux cabinets d’architecte et de décoration mauriciens chargés de marier le passé et le présent dans ce qu’ils ont de meilleur.
Ambiance coloniale ? Esprit XIXème ? C’était exactement le but recherché puisque le groupe hôtelier voulait évoquer l’esprit de Charles Telfair, qui vécut à cet endroit de 1811 à 1833.
Un peu d’histoire
Naturaliste de renom, le médecin irlandais Charles Edward Telfair accoste à Maurice en 1810 en qualité de médecin de la Marine, dans le cadre de la bataille que l’Angleterre livre à la France pour la suprématie dans l’océan Indien. La Royal Navy vient de reprendre l’île Bourbon (aujourd’hui la Réunion) aux troupes napoléoniennes et y impose par la force l’abolition de l’esclavage (votée en 1794), à laquelle Bourbon et l’Isle de France refusent catégoriquement de se soumettre. Passée sous administration britannique, l’île reprend son nom de Mauritius et connaît une période de développement économique, notamment en exportant sa canne à sucre, principale ressource nationale. Peu présents sur l’île, les Britanniques accordent à la population locale de conserver le Créole et le Français comme première et deuxième langues, l’Anglais étant essentiellement utilisé dans l’administration et l’enseignement. C’est donc sur une Ile Maurice en paix que Charles Telfair s’installe. Il fait immédiatement partie de ceux qui oeuvrent à la rétrocession de la Réunion à la France, qui est concédée en 1815, et devient rapidement le secrétaire particulier du premier gouverneur britannique de l’île Maurice. Trois ans plus tard il reçoit la Légion d’honneur française pour son action en faveur de la restitution de la Réunion, et épouse sa collaboratrice Annabella Chamberlain. Aquarelliste de talent, celle-ci illustrera abondamment les travaux et les découvertes de son mari. Fondateur de la société d’histoire naturelle de Maurice en 1829, Telfair introduira de nombreuses plantes nouvelles dans l’île, qui lui rendra hommage en associant son nom à celui de plusieurs végétaux et animaux et en lui dédiant un monument, un jardin et une allée dans le célèbre jardin de Pamplemousses, premier jardin botanique tropical du monde. Il disparaît le 14 juillet 1833.
A Maurice il a fait sienne la tradition d’hospitalité bienveillante locale et, outre les premières réunions de la société d’histoire naturelle, sa demeure a accueilli de nombreux amis venus d’Europe découvrir les trésors de l’île. C’est cet esprit d’hospitalité coloniale à la fois indolente et raffinée que l’Heritage Telfair a voulu capturer – et perpétuer. D’où une architecture conçue dans la grande tradition des anciennes demeures de l’île, avec des constructions à bardeaux, des charpentes ouvragées, des bois ciselés et, bien entendu, des varangues, ces pièces extérieures caractéristiques de Maurice, qui font depuis le XIXème siècle office de terrasses et de vérandas, de salons de thé et de jardins d’hiver. La vie en varangue (1) les décrit comme « des pièces essentielles, et même existentielles, de l’âme mauricienne ».
(1) La vie en varangue, éditions du Pacifique, 1989.
Egayées par la diversité des couleurs tropicales, exhalant les senteurs exotiques des bougainvilliers, frangipaniers et autres hibiscus et bruissant du murmure des alizés dans les feuillages, les allées qui desservent les différents bâtiments participent également de l’atmosphère romanesque des lieux. Ceux qui sont habitués à fréquenter les établissements les plus luxueux se plairont à observer que le luxe de celui-ci n’est pas que de façade : ici pas de stucs ou de cloisons habilement dissimulées comme dans certains hôtels un peu trop glittering : la fabrication est faite dans les règles d’un art de construire séculaire, les murs sonnent plein et les finitions, rassurantes, sont soignées. Les experts de la spécialité ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, qui ont récompensé le Telfair de trois World Travel Awards décernés par les professionnels de l’industrie touristique, du Certificat of Excellence de Trip Advisor, site international d’avis de particuliers et des titres de Second meilleur hôtel du monde dans la catégorie des hôtels pour voyageurs en lune de miel, et de 4ème meilleur hôtel du monde toutes catégories confondues, excusez du peu. Le très sélectif label Small Luxury Hotels of the World, qui récompense l’hôtellerie de prestige à taille humaine, en a également fait l’un de ses fleurons. Des prix qui sanctionnent tant la qualité des chambres, suites et villas, que celle des prestations du personnel (formé, pour ce qui concerne les majordomes des suites et des villas, à l’école Ivor Spenser de Londres) ou du spa.
Un 18 trous signé Peter Matkovich
Aux avantages et au charme du resort les amateurs de golf ajouteront la qualité et la beauté du 18 trous conçu par le célèbre architecte Peter Matkovich. S’étendant sur cent hectares dans un décor naturellement vallonné ou s’entremêlent lacs, ruisseaux et arbres tropicaux, ce parcours de championnat (Par 72) a la fois technique et varié procure aux joueurs, quelque soit leur niveau de compétence, des moments d’émotion et de jeu mémorables. Intégrant les deux cours d’eau qui traversent le parcours, ses architectes ont créé des petits lacs agrémentant la technicité en respectant l’harmonie des lieux, mais sont surtout parvenus à intégrer le Château de Bel Ombre et ses jardins au coeur même du parcours. L’Heritage Golf Club propose par ailleurs un putting green, un chipping green et un driving range.
Gastronomie variée
Avec pas moins de onze restaurants, le Domaine de Bel Ombre offre un large choix en matière de gastronomie. Dans l’enceinte du Telfair : trois restaurants, trois cuisines, trois cadres très différents. A l’Annabella’s, conçu dans le style des maisons de planteurs avec ses sièges en rotin et son ambiance de brasserie chic, une cuisine internationale et mauricienne ; au Gin’ja installé sur une langue de sable blanc, une cuisine Pan-asiatique servie dans un environnement plus élégant et raffiné, que l’on savourera après avoir pris un cocktail face au lagon et avant un dernier verre ou un cigare au bar ; et au Palmier une cuisine légère proposée à table ou sur plateau, sur la plage ou au bord de la piscine. Il faut cinq minutes en voiturette de golf pour gagner le cadre enchanteur du Château de Bel Ombre (présenté plus haut), où l’on dégustera sa cuisine gastronomique traditionnelle dans une atmosphère délicieusement romantique, relevée le soir venu d’une féérie de lumières soyeuses. Des moments inoubliables, comme volés au temps qui passe : on ne s’en lasse pas.
Le Spa comme une parenthèse
Comme c’est désormais la norme dans les établissements de prestige, le spa constitue une sorte de parenthèse, un rêve dans le rêve, lieu dans le lieu, comme une bulle irréelle dans une oasis de calme, où le temps semble suspendu. Une équipe professionnelle y prodigue tous les soins habituels – massages, soins du visage, aromathérapie, hydrothérapie, hammam, sauna, coiffure, manucure… – dans un cadre où tout invite à la relaxation, des salons privatifs agrémentés de fontaines à la piscine dotée de lits à bulles en passant par les nombreux espaces de relaxation. Elle utilise les soins Seven Colours, conçus à Maurice et couronnés par le label international isPa, garant pour les clients de la qualité des soins, du service et de l’éthique.
La multiplication de l’offre de l’hôtellerie de prestige à laquelle on assiste depuis quelques années a déplacé les critères de choix de l’excellence des prestations hôtelières, dont la perfection est devenue la norme, une évidence, vers les suppléments d’âme que les meilleurs établissements s’attachent à proposer. En termes de confort dans les chambres, de tailles de celles-ci et de l’équipement dont elles disposent, la majorité des 5 étoiles luxe internationaux se ressemblent. La différence tient désormais à d’autres points. Elle tint longtemps au service, sur lequel quelques établissements se distinguaient, ce n’est plus le cas aujourd’hui où il tend partout vers l’irréprochable, la différence étant à présent assurée par la mise à disposition de majordomes dédiés aux villas qui constituent le must de l’hôtellerie haut de gamme.
Reste… le reste. Les prestations personnalisées – une chasse au gros, une plongée avec les requins, une virée en sous-marin… – et l’intangible, immatériel mais bien réel et différenciant : une vue, une atmosphère… Question de stratégie, de moyens et de talents. Certains se sont tournés vers des Chefs étoilés pour leur carte, d’autres vers des couturiers célèbres pour leur décoration, d’autres encore vers les endroits les plus extraordinaires et les plus inaccessibles. Le groupe Heritage a choisi de confier la direction de l’ensemble de ses produits hôteliers à Jean-Luc Naret, qui a fait toute sa carrière dans l’industrie touristique internationale avant de diriger le guide Michelin pendant huit ans. Une expérience qui lui a permis de parcourir le monde entier pour y dénicher et y consacrer l’expression la plus éthérée de la recherche de la perfection, aujourd’hui au service du Telfair, et devrait permettre à ce dernier, à côté d’autres nouveaux venus comme le Maradiva, avec sa formule exclusivement villas (lire Dandy n°47), d’offrir une alternative plus que séduisante aux valeurs sûres de Maurice que sont les Royal Palm, St. Géran, Touessrok, Résidence et autres Prince Maurice.