Le guide automne – hiver Pointure est en kiosques
Mais que va-t-il rester aux spécialistes ? Gucci, Paul Smith, Louis Vuitton : les grandes maisons de mode investissent de plus en plus massivement l’univers de la chaussure homme, jusqu’à y proposer aujourd’hui une alternative tout ce qu’il y a de plus crédible à celles des maisons spécialisées.
Hier encore les quelques modèles qui se battaient en duel entre les linéaires des costumes et ceux des pulls, prêtaient à sourire et n’auraient pas retenu une seconde l’attention d’un amateur averti. Aujourd’hui les collections – autrement plus complètes que celles d’il y a quelques années – sont variées et séduisantes, souvent plus audacieuses que celles des petites maisons (les grosses structures pouvant se permettre de se louper sur quelques modèles qui ne rencontreront pas de clientèle) et désormais, pour les meilleures, correctement fabriquées.
Aussi que reste-t-il à toutes ces marques qui ont fait et font la chaussure masculine de qualité – et de caractère ? Beaucoup à faire, heureusement. Lorsque les plus audacieuses des maisons évoquées plus haut expérimentent de nouvelles directions (cf. les triples semelles de Prada), leurs créations sont autant de ballons-sondes pour le marché. Y aller ou ne pas y aller, telle est la question. Les techniques de développement et de fabrication sont aujourd’hui telles qu’une fois que le marché a rendu son verdict, six mois sont suffisants pour lancer la création et la fabrication d’une nouvelle tendance, et profiter de la vague.
Ce guide permettra également de noter que, aussi réussies soient les collections desdites grandes maisons de mode (et elles le sont), celles-ci s’aventurent peu dans le domaine de la chaussure classique, préférant concentrer leurs efforts sur des lignes casual chic qui touchent un plus grand nombre à l’échelle planétaire qui est la leur : les Corthay, Crockett, Lobb et consorts ont encore de beaux jours devant eux. Et dans leur foulée toutes les petites maisons très spécialisées, nées ces dernières années et entre les mains de passionnés (à la notable différence des griffes internationales), qui accompagnent les gros poissons comme des bancs de poissons pilotes et nourrissent fort à propos l’appétit des connaisseurs.
En une époque peu souriante, la chaussure homme se porte après tout plutôt moins mal que d’autres secteurs d’activité, et a décroché la seconde place des statistiques nationales pendant les soldes.
Enfin, comme une exception confirmant la règle, cette rentrée 2012 voit un avènement devenir un événement : en lançant sa première collection de vêtements (et quelle collection !), Berluti est la première marque de chaussures décidée (et elle y parviendra, il n’y a aucun doute à ce sujet) à s’imposer dans le monde du textile. Le monde à l’envers. Aussi derrière cet exemple, et toutes proportions gardées, ne nous inquiétons pas pour les spécialistes : ceux qui sauront rester créatifs et pertinents auront toujours leur place aux côtés des généralistes. Parce qu’avec nos attentes propres à chacun, nous, clients, le valons bien.
Yves Denis, ydenis@dandy-mag.com