La saga Mumm ou les petits secrets d’une grande maison
Un peu d’Histoire…
La dénomination de vin de Champagne (sans aucun rapport avec l’appellation contrôlée actuelle) remonte au début du XVIIème siècle et au goût des cours royales de France et d’Angleterre pour les vins faiblement colorés que produit la région. Il ne présente cependant pas à l’époque les caractéristiques qu’on lui connaît aujourd’hui, et ne deviendra effervescent, presque par hasard, qu’à partir de 1660. C’est afin de conserver au mieux ses arômes fragiles que les vignerons conçoivent de le faire vieillir en bouteilles, au lieu des fûts utilisés jusque là. Malgré un tirage avant la fin de la première fermentation, le vin devient naturellement effervescent – ce qui n’est pas sans causer quelques soucis aux producteurs, qui le surnomment bientôt « vin du diable » en raison de la propension des bouchons à sauter bruyamment. Et c’est à un moine de l’abbaye bénédictine d’Hautviers, dom Pérignon, que l’on doit le premier assemblage, en 1670. Ayant découvert la méthode de vinification des vins effervescents de Limoux au cours d’un pèlerinage, il l’expérimente sur les vins champenois, puis conçoit de régler le problème des bouchons sauteurs en utilisant des bouchons de liège fixés sur la bouteille par une ficelle de chanvre. En assemblant les raisins de différents crus, le religieux améliore la qualité du vin, et lui conserve sa fraîcheur et son caractère en bouchant efficacement les bouteilles. C’est au même dom Pérignon que l’on doit encore l’idée de conserver les flacons à température et humidité constantes dans les crayères situées près de son abbaye. Une idée qui fera son chemin et amènera les autres producteurs à creuser les leurs dans les mêmes sols. Les premières bouteilles spécifiques, tournées dans un verre épais destiné à prévenir leur explosion, seraient apparues en 1695. Le Champagne est devenu le vin précieux et joyeux que nous connaissons aujourd’hui, mais il faudra attendre le XVIIIème siècle pour assister à la création de la première maison de vins de Champagne, Ruinart, en 1729, et pour que ce nectar devienne le synonyme de fête et de luxe que le monde entier nous envie. Heuser est un homme d’affaires avisé qui mise sur la qualité du produit, et sa gestion de la maison va s’avérer visionnaire. En choisissant d’acheter désormais aux vignerons des raisins et non plus des moûts, il s’assure le contrôle de la qualité des fruits et, plus important : celui de l’étape déterminante du pressurage. Durant toute son administration, Heuser n’aura de cesse d’obtenir le meilleur des vignerons avec lesquels il travaille.
Et Mumm devint G.H. Mumm…
Petit-fils de Peter Arnold, George Hermann Mumm prend les rênes de la société en 1852 et associe son nom à celle-ci, qui prend l’appellation officielle G.H. Mumm. Dès son arrivée, celui qui pourrait se contenter d’être un héritier oisif se révèle un chef d’entreprise déterminé, habité d’une vision pour celle-ci. Le début de son règne est marqué par les grands travaux de construction de nouveaux locaux et de nouvelles caves, qui bénéficient des techniques les plus modernes. Passionné de courses hippiques, il révèle dans sa vie privée la même inclination pour les dernières innovations que dans sa vie professionnelle, et fait doter sa propriété de Vaudétré d’écuries ultra-modernes, pourvues d’une piscine à chevaux et d’une piste en tapis-brosse. Visionnaire comme le fut Heuser et pressentant le marketing avec près d’un siècle d’avance, il dépose la marque et le logotype « Cordon Rouge » (inspiré de la Légion d’Honneur française, et qui va devenir la signature graphique de la maison) dès 1875. Humaniste et défenseur du progrès social, il met en place des « prix de vertu » et « primes d’infortune » récompensant les plus méritants des ouvriers et ouvrières âgés ou infirmes. Né en Allemagne, marié avec une Russe et vivant en France, Georges Hermann Mumm a le regard tourné vers l’étranger et est un infatigable voyageur. Malgré des conditions de transport encore très spartiates, il parcourt le monde et ouvre une vingtaine de filiales : Etats-Unis, Russie, Canada, Brésil, Pérou, impose sa maison comme fournisseur officiel de la cour royale d’Angleterre et envoie des agents implanter son nom dans les contrées les plus lointaines : Philippines, Indonésie, Thaïlande (alors Siam), Ceylan, Nouvelle-Zélande, Chine… Comme Heuser, la qualité reste essentielle pour lui, et en 1900 il n’hésite pas à retenir, pour lancer le Cordon Rouge en Angleterre, le slogan « The most expensive, therefore the best ». Aventurier et sportif dans l’âme, il soutient activement (le sponsoring restant alors à inventer) les grandes aventures humaines de l’époque : l’expédition Charcot en 1904, les premières manifestations aéronautiques, les Jeux Olympiques, le championnat du monde de bobsleigh (il sera lui-même vice-champion du monde)…
Après la première guerre mondiale c’est un fidèle collaborateur de la famille, Georges Robinet, qui prend la direction de la société. Aussi social que George Hermann, il assure le logement et l’école aux ouvriers qu’il fait revenir après avoir fait remettre en état vignoble et installations. Il participera en 1927 à la création de la zone viticole de Champagne et aux premiers pas vers une appellation contrôlée. Exigeant mais respecté, c’est un homme d’expérience qui fait venir près de lui un homme qui marquera dans le futur la société d’une empreinte aussi forte que les pères fondateurs. René Lalou est un jeune avocat, intelligent, énergique et grand amateur d’art. Chez Mumm il va également se révéler un redoutable homme d’affaires. C’est à lui qu’échoira la responsabilité de diriger la maison, dont il a pris la présidence en 1939, pendant la seconde guerre, puis de la réorganiser, à partir de 1945. C’est lui qui supervisera la reprise de l’extension du vignoble, la reconstitution des stocks et le développement des ventes. Il quittera la présidence de Mumm pour prendre une retraite bien méritée après près de 50 ans de bons et loyaux services.
Mumm aujourd’hui
Racheté par le groupe Pernod Ricard en 2005, G.H. Mumm est aujourd’hui n°1 parmi les marques de prestige en France, et occupe le troisième Page précédente en médaillon : George Hermann Mumm, vers 1880. Ci-contre :Didier Mariotti, Chef de Cave. En-dessous : départ des livraisons en 1900. En bas : depuis l’expédition Charcot en 1904, Mumm Cordon Rouge est le partenaire de nombreux raids sportifs. rang du classement mondial, avec près de huit millions de bouteilles commercialisées. La marque, qui réalise 60% de ses ventes à l’export, est aujourd’hui présente dans plus de cent pays. Fortement dominé par les pinots noirs, les 218 hectares du vignoble maison donnent une demi-douzaine de cuvées qui offrent à l’amateur une belle variété de vins.
Le plus connu est le fameux Cordon Rouge, assemblage de 77 crus représentant tous les grands terroirs de la Champagne, de la Montagne de Reims à la Vallée de la Marne en passant par la Côte des Blancs. Constitué à 45% de pinot noir, 30% de chardonnay et 25% de pinot meunier, c’est un vin charpenté, fruité et rustique, marqué par des arômes de citron, de pamplemousse et de pêche blanche. Le Demi-Sec privilégie pour sa part le pinot meunier (55%), devant le pinot noir (35%) et le chardonnay (15%). Résulte de cet assemblage un Champagne rond et fruité. Initialement appelé Cordon Rosé, le Mumm Rosé résulte de l’assemblage de 60% de pinot noir, 22% de chardonnay et 18% de pinot meunier. Sa palette aromatique est proche de celle du Cordon Rouge, fruits rouges et pamplemousse marquant fortement sa dégustation. Comme tous les Millésimés, le Mumm Millésime 2002 est l’expression d’une année exceptionnelle. Après un hiver doux, cette année connut un printemps sec jusqu’à la nuit du 15 avril, qui vit le gel et la destruction de 140 hectares de vignes, et les vendanges furent avancées d’une dizaine de jours. Les vins qui en résultent présentent des degrés élevés, une acidité faible et une belle richesse en sucre. Des chardonnays francs et intenses et des pinots noirs complexes et puissants, marqués par des notes affirmées de fruits rouges et noirs, caractérisent ce flacon.
Les bouteilles phares
Champagnes de haut de gamme, les cuvées Grand Cru sont des ambassadrices du savoir-faire maison. Le Mumm Grand Cru, aînée de la fratrie, est composé des cinq terroirs grands crus champenois. Après une mise en bouche tonique, il révèle une large palette d’arômes frais, de fleurs blanches et de fruits secs. Plus récents, le Blanc de Blancs de Cramant et le Blanc de Noirs de Vernezay viennent aujourd’hui compléter la collection des Grands Crus de Champagne. Le premier fait l’objet d’un processus d’élaboration original et d’un vieillissement de deux ans et demi. Il s’exprime sur des notes de fleurs blanches, de fruits frais et d’agrumes et jouit d’une longueur en bouche réjouissante. Issu d’une vinification mono-cépage pinot noir, le second révèle une puissance en bouche étonnante. Sa dégustation percute sur des touches de fruits secs, de nougat et de vanille. Un Champagne étonnant.
Enfin, la Cuvée René Lalou constitue depuis plusieurs années déjà la cuvée prestige de la maison. Après les millésimes 1982, 1990 et 1996, on déguste aujourd’hui le millésime 1998, qui présente un équilibre parfait 50/50 entre pinots noirs et chardonnays. Charnus et charpentés, les premiers ont développé un nez puissant aux notes fruitées et apportent une nette minéralité. Riches d’une large palette aromatique constituée de notes fruitées et florales, les seconds s’avèrent droits et élégants. Ensemble ils offrent un vin riche et complexe, long en bouche et d’une vivacité séduisante.
l’abus d’alcool est dangereux pour la santé.
