La Mamounia a retrouvé toute sa splendeur
Le palace avait du faire face, dans le courant des dix dernières années, à la concurrence d’autres établissements haut de gamme certes moins prestigieux mais plus modernes, et plus réactifs à l’évolution des attentes d’une clientèle habituée à voyager et prompte à comparer. De fait, ceux qui fréquentaient l’endroit avant sa fermeture, en 2006, se souviennent que les prestations proposées ici étaient aussi vieillissantes qu’insuffisantes. L’absence de spa et la piscine non chauffée, notamment, posaient problème. Clairement, La Mamounia n’était plus à cette époque à la hauteur de son image.
Un peu d’histoire
Ce qui est dommage, car aucun autre établissement marocain ne peut s’enorgueillir d’une histoire aussi vieille, aussi riche, et d’un tel livre d’or. La Mamounia doit son nom au prince Mamoun, fils du sultan alaouite Sidi Mohamed Ben Abdellah, auquel son père offrit le domaine en cadeau de mariage. Sensible à la beauté de son jardin et de sa flore particulière, le jeune prince conçut d’utiliser ce domaine comme lieu de garden party (« nzara ») des réjouissances royales.
Deux siècles plus tard, l’hôtel fut conçu en 1923 dans le respect d’un lieu chargé d’histoire et avec la contrainte de marier la tradition architecturale marocaine avec le style Art Déco alors très à la mode. La magnificence du palace la disputant à celle du jardin de quinze hectares, l’établissement bénéficia très rapidement d’une renommée internationale, qui lui valut la visite de tous les grands de ce monde.
Dès les années 30, on venait à La Mamounia toute l’année, et de tous les coins du monde, pour bénéficier de son cadre exceptionnel et y respirer une atmosphère romanesque en diable. Les clients venant pour de longs séjours avaient alors coutume d’apporter leurs meubles avec eux, et chacun réaménageait ses appartements en fonction de ses goûts et de ses habitudes. Heureuse époque, où les hommes ne concevaient de descendre dîner qu’en smoking, et les femmes en robe du soir… L’hôtel avait cependant déjà un problème, qui allait se révéler chronique : ses cinquante chambres ne suffisaient pas à satisfaire tous les clients désireux d’y loger. Le problème persista après une première salve de travaux, qui permit en 1946 de porter la capacité d’accueil à une centaine de chambres, et après la seconde, en 1950, et la troisième en 1953 et jusque la suivante, en 1986.
Au fil de toutes ces années de nombreuses célébrités adoptèrent l’endroit, et séjournèrent régulièrement à La Mamounia. On citera Winston Churchill qui y établissait ses quartiers d’hiver, et avait l’habitude d’y déambuler de balcon en balcon pour mieux capter les couleurs du soleil couchant et les reproduire sur les toiles qu’il peignait ; Franklin Roosevelt, qui découvrit l’établissement invité par Churchill, qui lui affirmait y avoir trouvé l’un des plus beaux lieux du monde. De Gaulle honora également l’hôtel de sa clientèle, mais il fallut faire confectionner un lit à sa mesure. Plus près de nous Ronald et Nancy Reagan, Nelson Mandela, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, la princesse Caroline de Monaco… Le show-business participa également de manière déterminante à la réputation du lieu, après que celui-ci ait accueilli de nombreux tournages, comme L’homme qui en savait trop, d’Alfred Hitchcock, en 1955. Alain Delon, Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve, Marcello Mastroianni, mais aussi Kirk Douglas, Yul Brinner, plus près de nous Sylvester Stallone, Tom Cruise, Sharon Stone, Richard Gere et tant d’autres stars hollywoodiennes, furent des habitués. Delon tomba si bien sous le charme de Marrakech qu’il y acheta une propriété. Tout comme Yves Saint Laurent.
Trois ans de restauration pour renouer avec la légende
De 2006 à 2009, le vénérable établissement s’est offert un long chantier de rénovation afin de se donner les moyens de recouvrer son lustre d’hier. Trois ans de chantier et 120 millions d’euros d’investissement pour renouer avec la légende. Une mission confiée à Jacques Garcia, qui a gommé toute trace des rénovations précédentes pour rendre à La Mamounia le charme du style original, en jouant aujourd’hui comme hier sur le contraste entre tradition et modernité. Fidèle à sa réputation, le décorateur a parfaitement su utiliser l’architecture et les volumes pour créer un univers d’une chaleur et d’un raffinement exemplaires : la Mamounia est de nouveau une merveille.
Les chambres et suites (plus de 200 désormais) reprennent à leur compte le très apprécié mélange classique/contemporain et associent à une décoration marocaine traditionnelle l’équipement électronique hi-tech que les jet-setters modernes sont habitués à retrouver dans les cinq et six étoiles des quatre coins du monde. Elles bénéficient de plus d’une vue dont même les plus blasés ne se lassent pas, sur les jardins (magnifiques) et, au loin, les montagnes de l’Atlas. Et l’on ne peut qu’être d’accord avec Churchill lorsqu’il disait qu’au crépuscule la lumière particulière fait du lieu l’un des plus beaux du monde.
Parmi les autres points remarquables de la résurrection : la piscine principale, redessinée, agrandie et désormais chauffée, et une piscine intérieure, installée à la place de l’ancien restaurant marocain, pour l’ambiance de laquelle Jacques Garcia a conservé le décor oriental de celui-ci. Eau à 29°, silence, atmosphère de thermes romains : l’endroit n’est que sérénité.
Le restaurant marocain, puisque l’on en parle, a migré à l’extérieur du bâtiment principal. On y déguste la cuisine traditionnelle à son meilleur niveau après un apéritif pris au bar à ciel ouvert, dans une atmosphère typique et intimiste qui donne à la lumière déclinante et aux bougies allumées dans des photophores de verre rouge un charme extraordinaire. L’atmosphère des salles de restaurant est tout aussi intimiste – pensez toutefois à réserver une table isolée, les alcôves quatre couverts sont constituées de deux tables, et la promiscuité peut être charmante ou pénible – et raffinée, les tenues du personnel en brocard de soie participant de cette subtilité. On soulignera d’ailleurs la qualité et l’originalité des tenues de tout le personnel (différentes pour chacun des trois restaurants et pour l’hôtel, et en fonction des horaires), tant en termes de tissus que de coupes : un bonheur pour les yeux. La carte du restaurant français est un ravissement, et nous a donné l’occasion de découvertes savoureuses, comme l’assortiment de tartares sauce soja ou le macaron pistache et framboises : à se damner… Sa disposition permet de profiter à loisir, à l’extérieur, sur le jardin, ou à l’intérieur, d’une cuisine fine et inventive, hautement recommandable. Sérieuse déception en revanche au restaurant italien, où malgré la qualité des plats réalisés par le Chef on regrette que le menu ne propose que deux ( ! ) plats de pâtes, et plus encore la Direction de l’endroit, qui juge superflu de remplacer une bouteille de Barolo 2004 (un vin très charpenté, tannique et complexe, équivalent italien de nos Bourgognes corsés) aux antipodes des standards de l’appellation. Une fausse note dans une partition par ailleurs irréprochable. Qu’à cela ne tienne : la déception nous amène à quitter prématurément l’endroit pour profiter du salon où l’on sert cafés et digestifs, qui se distingue par l’élégance de sa clientèle. Quel plaisir, tout de même, que de poser le regard sur des gens bien habillés – ni jeans ni tee-shirts mais des hommes en tenue casual chic (veste le plus souvent) et des femmes en tenues de cocktail, des conversations mezzo voce et même, mais oui, des messieurs habillant l’air des voluptueuses volutes de cigares cubains, autorisés dans ce lieu de détente et de sérénité.
Parmi toutes les destinations de week-end, Marrakech conserve un statut privilégié lié à sa relative proximité (trois heures de vol de Paris), au coût raisonnable du transport aérien sur la destination (à partir de 170 € !) et au dépaysement total que l’on sait y trouver. Ceux qui fréquentent la ville depuis longtemps et pour qui le Palais El Badi, la Koutoubia, la place Jemaa el Fna et les jardins Majorelle n’ont plus de secrets, redécouvriront avec plaisir ce palace unique en son genre où savourer les riches heures d’une parenthèse hors du temps et ne rien faire d’autre que profiter du temps qui passe.
Un havre consacré à la détente et la beauté
Avec 2 500 m2 dédiés au Spa, le bien-être est l’un des fondamentaux d’un séjour réussi à La Mamounia. D’inspiration marocaine et orientale, le nouvel espace détente invite à l’évasion. Tous les éléments de décoration – zelliges, marbres, boiseries, arcades, alcôves – donnent au lieu un cachet magique et authentique. Pour assurer des soins de qualité à une clientèle internationale exigeante, La Mamounia a choisi des maisons de renom comme Shiseido, MarocMaroc pour les soins orientaux traditionnels, Jean-Michel Faretra pour le salon de coiffure ou encore le spécialiste autrichien La Ric pour la cosmétique des mains. Mais aussi une sélection de produits exclusifs : savon noir enrichi d’huiles essentielles, ghassoul, huile d’argan, eau de fleur d’oranger et eau de rose pure. Le Spa ouvre ses portes aussi bien pour les résidents que pour le grand public. Son menu propose une carte très complète de soins marocains : massage au baume d’argan, au miel et à la crème de rose, gommage sensation au miel d’ambre, mais aussi drainage lymphatique, massage aux pierres chaudes, soin anti-stress ciblé… Un seul conseil à noter : la réservation des rendez-vous est recommandée.
À découvrir : La low-cost Air France
Fort logiquement plus capables du pire que du meilleur, les compagnies lowcost réservent encore de belles surprises. C’est le cas de Transavia, filiale du groupe Air France qui est ce que les professionnels appellent une « low-cost hybride ». Comprenez une compagnie assurant indifféremment vols réguliers touristiques à petits prix et vols charters. Pour Air France, l’avantage de cette création était d’éviter de perturber brutalement son modèle social. Pour les passagers, il est de circuler à bord d’appareils récents et confortables – des Boeing 737-800 dans lesquels l’espace par passager s’avère être supérieur à celui souvent observés en classe économique sur les vols AF !
Dandy N° 30 – 2011