Julien Marinetti expose à la Mamounia
De Doggy John au synchrétisme
Après Paris, New York et Singapour, Marrakech l’expose. Jusqu’au 30 septembre, les clients de la célèbre Mamounia peuvent admirer une soixantaine de sculptures de Julien Marinetti au détour des salles et des allées du parc. De taille réduite (36 centimètres pour les plus petites) à XXL (2,40 mètres pour la plus grande), celles-ci se caractérisent encore et toujours par leurs couleurs éclatantes et la joie qu’elles expriment, cette dernière proclamant plus que tout autre la place de l’art dans notre quotidien.
Il doit son nom au fox terrier de Tom Ford et Richard Buckley, que les deux hommes promenaient régulièrement dans le quartier de Saint Germain des Prés où ils vivaient. Julien Marinetti, qui grandit Quai Conti dans ce berceau historique de l’activité artistique parisienne, les y croise régulièrement et saura s’en souvenir. Doggy John y verra le jour en 1998, en huile sur toile d’abord avant de s’affranchir des dimensions de la peinture pour prendre les formes bonhommes que lui offre la sculpture.
D’aussi loin qu’il se souvienne, Julien Marinetti a toujours détourné des objets du quotidien pour créer des pièces iconoclastes. Des torchons de cuisine constituèrent ainsi les premières toiles du garçon de cinq-six ans avant que le glissement de la peinture vers la sculpture l’amène à préférer d’autres supports. Adolescent, ce fils d’un père photographe et d’une mère directrice d’école de théâtre passe de nombreuses heures dans l’atelier du sculpteur Paul Belmondo, voisin et ami de la famille, à observer travailler l’artiste et mettre en terre les graines de sa propre créativité.
Une petite vingtaine d’années plus tard, le bouledogue assis est devenu l’icône internationale de l’art contemporain que l’on sait. Avec Doggy John, Marinetti a imaginé et inauguré ce qu’il appelle le synchrétisme de l’art, habillant ses sculptures de bronze de robes colorées.
Une fusion de la peinture et de la sculpture
L’artiste a d’ailleurs toujours indiqué que la toile traditionnelle n’est pas, du fait de sa composition, un support bi mais tridimensionnel, et a toujours considéré comme un privilège la liberté qu’a le sculpteur de tourner autour de son oeuvre en devenir. C’est donc d’une façon très logique qu’il a conçu de penser ses surfaces en plans successifs, et d’associer aplats en couches et vernis laqués, s’appropriant de façon très personnelle la technique de la composition chromatique par plans pénétrants en jouant des lignes de rupture suggérées par les traits noirs rythmant la juxtaposition des couleurs.
De son fameux bouledogue, Marinetti nous confie : « Le chien est le catalyseur de mon synchrétisme de l’art, c’est-à-dire de sa totalité. Ce que je fais est bien du synchrétisme puisqu’il y a bien de la peinture, de la sculpture et de la gravure. Il y a aussi des vernis, des laques : je touche à pas mal de choses qui n’ont normalement rien à voir les unes avec les autres. »
Interrogé sur le sens qu’il donne à cette expression, il s’explique : « Comme le synchrétisme religieux fait référence à toutes les formes de religion, le synchrétisme de l’art est le référent des différentes techniques artistiques que sont la sculpture et la peinture, mais au delà de ça c’est la composition picturale, c’est-à-dire l’équilibre des formes, parce que lorsque je peins une sculpture je fais fi de celle-ci et je me sers du support comme d’un support plat. Mais comme il est tridimensionnel, ce qui est la base d’une sculpture, il y a un équilibre de composition picturale qui est nouveau, et qui n’est pas de l’habillage – ce serait trop facile. Voyez par exemple les monolithes de Jean Dubuffet. »
De fait, les sculptures de Julien Marinetti marquent notre imagination parce qu’elles sont un monde en elles-mêmes et que la peinture et le graphisme habillent le classicisme traditionnel du bronze de tenues résolument contemporaines. En retravaillant ses sculptures avec d’autres techniques, Marinetti aime à penser aux moines copistes du Moyen Age, dont les palimpsestes nécessitaient eux aussi qu’ils reconditionnent le support original en grattant d’anciens parchemins. En les évoquant il confie aimer employer des formules « un peu secrètes, (qui) dissimulent et suggèrent à la fois. La vulgarité, c’est de montrer ce que l’on peut suggérer » souligne-t-il.
Une excellente façon de conclure, puisque le goût dont l’artiste fait aussi preuve dans son oeuvre est également manifeste dans sa tenue. Nous l’interrogeons sur cette dernière phrase rapportée à l’univers de l’élégance masculine : « Je suis un esthète. Picasso habitait-il dans une cahute ? Non. Auguste Renoir mettait-il des noeuds papillon, des gilets et des chemises blanches ? Oui. Pour moi l’élégance est une forme de respect de l’autre. On me dit que je suis narcissique parce que je fais beaucoup de sport pour m’entretenir, mais c’est parce que je veux que les gens qui me regardent se disent que je les respecte. Nous avons cinq sens : d’abord la vue – il nous faut donc offrir une jolie image, ensuite l’odorat – c’est pourquoi on se lave, le toucher – on se rase, le goût : nous soignons notre hygiène buccale pour avoir bonne haleine…
Pourquoi devrait-on occulter le sens de la vue et offrir une image dégueulasse ? Les femmes se font refaire les seins, pourquoi les hommes ne pourraient- ils pas travailler quinze minutes par jour pour avoir des pectoraux ? Est-ce trop demander ? Tout le monde peut le faire. Pourquoi certains hommes portent-ils des vêtements impeccablement repassés et d’autres pas ? Tout le monde peut le faire aussi.
Pourquoi certains ne se tiennent-ils pas droits mais voûtés ? Pourquoi se laisser aller à avoir un gros ventre ? Sans parler de ces types qui sont les premiers à dire à leur nana de se maquiller, voire de se faire liposucer ou refaire les seins, alors qu’ils ont des dents pourries ? Pourquoi ? Cela me heurte. Je ne suis pas d’accord avec ça, je fais dans l’esthétisme, et si ça peut en heurter certains c’est leur problème. »