Ils en sont tous fous… et nous aussi !
Hier Steve McQueen, Marcello Mastroianni, aujourd’hui George Clooney, Daniel Craig, Adrian Brody… Tous ont en commun d’avoir choisi de porter des lunettes de soleil Persol à la ville comme à la scène. Si son nom est moins connu que celui de Ray-Ban, c’est parce qu’à la notable différence de l’Américain, le fabricant italien a choisi depuis le premier jour d’asseoir son image sur des valeurs d’élégance et de discrétion. Gros plan sur une marque que nous connaissons tous comme Monsieur Jourdain faisait de la prose : sans le savoir. La silhouette de son modèle emblématique nous renvoie au charme et à l’insouciance dans années 60 : une monture d’acétate plutôt épaisse, un pont en forme de trou de serrure, des verres ronds et des charnières en forme de flèches. Raffiné et intemporel, il est éminemment représentatif de cette élégance à l’italienne que le monde entier envie à la Péninsule, et en cette période crise économique, même les marques les plus fashion l’ont adopté pour leurs défilés, sur lesquels la 649 – c’est son nom – a détrôné les Ray Ban Wayfarer et Aviator. A la fois rétro et contemporaine, la 649 défie le temps depuis plus de cinquante ans.
Un modèle culte C’est en 1957 que Giuseppe Ratti, fondateur de la marque, crée la 649, à l’intention des traminots turinois. Pour les protéger de la poussière lorsqu’ils conduisent leurs tramways ouverts, il conçoit une monture largement dimensionnée, caractérisée par un pont original et flexible qui lui permet de s’adapter à tous les visages, et par des charnières rehaussées d’une flèche, qui font déjà partie de l’histoire de la maison. Le modèle démarre gentiment sa carrière jusqu’à ce que Marcello Mastroianni se l’approprie et le porte dans Divorce à l’italienne, en 1961, inaugurant ce qui deviendra beaucoup plus tard le people business, sur lequel des gens comme Giorgio Armani et Christian Audigier bâtiront leur empire. En attendant ces temps plus modernes, la qualité de fabrication des Persol (lire l’encadré « Les détails caractéristiques »), l’originalité de leur style et leur personnalité, et assurent le succès du nouveau modèle. Quelques années après Mastroianni, c’est au tour de Steve McQueen d’imposer ses 714 (une 649 à branches pliables) sur le tournage de L’affaire Thomas Crown. Le succès planétaire du film achève de faire des Persol le must have avec lequel il convient de s’afficher. Chic mais sans ostentation, la 649 devient dès le milieu des années 60 un succès durable, qui lui vaudra d’être encore l’un des modèles les plus vendus au monde dans les années 80. Au-delà de ses qualités propres, il doit cette bonne fortune au fait que les vedettes (on ne parle pas encore de people à cette époque) l’ont massivement adopté à titre personnel, à une époque où le placement produit n’existe pas encore.
Mastroianni, McQueen, Clooney, Craig… Une autre des grandes forces de Persol est de rayonner de façon transversale, séduisant aussi bien les stars du cinéma que du show business ou du sport, le dénominateur commun de ses adeptes étant une notion indiscutable de l’élégance et de la présentation de soi. Plus près de nous que Mastroianni et McQueen, Tom Cruise, Daniel Craig, Christian Slater, Olivier Martinez ou Adrian Brody deviendront ainsi des ambassadeurs de la marque pour l’avoir choisie personnellement. Chez les femmes Greta Garbo, Julia Roberts, Ornella Muti et Hillary Swank sont des fidèles. Nombre de sportifs porteront également leur choix sur les lunettes italiennes, comme Jean Alesi (Formule1), Alberto Tomba (ski), Alessandro Del Piero (football) ou Enrico Rosso (alpiniste, vainqueur du Kun, 7087 mètres), et Persol participera à plusieurs événements sportifs majeurs, comme le Paris Dakar, et diverses expéditions extrêmes dans le Grand Nord, où ses verres multicouches polarisés seront testés jusqu’à -65°C.
D’une arrière-cour turinoise à la consécration mondiale Joli parcours donc, pour cette entreprise créée en 1917 par l’opticien Giuseppe Ratti. C’est dans l’arrière-cour de sa maison de Turin qu’il commence à fabriquer ses propres lunettes, ultra-modernes au regard des standards de l’époque parce que destinées aux aviateurs et pilotes sportifs. Ils les baptise Protector. Cerclées de profils de caoutchouc et fixées à l’aide d’éléments plastiques, elles sont rapidement adoptées par les forces armées et les pilotes de l’aviation militaire italienne, puis par de nombreuses compagnies d’aviation dans le monde, y compris au Etats-Unis. Nombre de personnalités des années 20, du dernier grand dandy historique Gabriele d’Annunzio aux pilotes de course Chiron et Fangio, portent des Protector. En 1938 Giuseppe Ratti veut aller plus loin et imposer une marque de lunettes de soleil grand public qu’il annonce révolutionnaire en termes de qualité et de confort. Persol (littéralement : « pour le soleil ») est né. Plusieurs brevets caractérisent immédiatement la nouvelle marque : celui de la branche flexible Meflecto, obtenue grâce à l’introduction de cylindres de nylon et de métal entrelacé d’inox, qui permettent aux branches de s’adapter à chaque visage ; celui du pont flexible Victor Flex, qui assure souplesse et maintien, visant tous deux un confort optimal ; et celui de la fixation à charnière rehaussée d’une flèche inspirée des épées des guerriers de l’Antiquité, qui signe aujourd’hui le style Persol. Il faudra attendre une petite vingtaine d’années pour que la 649 impose de façon durable le nom de Persol à l’échelle planétaire. Plus de cinquante ans après sa création, le modèle fait aujourd’hui encore l’objet de toutes les attentions, et de toutes les distinctions. Car au-delà de son adoption par le cinéma, ce modèle culte est également honoré lors des expositions culturelles : ainsi le livre Qualité : scène d’objets à l’italienne le présente-t-il en 1992 comme « l’un des objets nationaux les plus représentatifs du génie créatif italien d’hier et d’aujourd’hui ». En 1995 la Triennale de Milan la choisit pour symboliser la relation entre la mode, le design et la technologie. En 2004, l’exposition florentine Excès, Mode et Tendance des années 80 l’incorpore aux éléments représentatifs de la culture pop contemporaine. Une consécration pour une maison qui a joué son image sur des collections discrètes alors que Ray-Ban, le concurrent de toujours, surfait sur les vagues m’as-tu-vu et bling-bling, fidèle à son slogan Never hide (« ne vous cachez jamais »).
Une collection sans cesse actualisée Les modèles emblématiques de la maison, la 649 et sa version pliable 714 en tête, ne doivent pas occulter les quarante à cinquante nouveaux modèles qui viennent chaque année renouveler la collection et soulignent le dynamisme de la maison, comme les 2244 et 2420 choisies par Daniel Craig pour sa première apparition en James Bond (Casino Royale, 2006). Pour le printemps/été 2010, l’acétate s’épaissit et adopte des motifs fantaisie exclusifs, et les modèles osent des associations de couleurs inattendues. Ainsi la 2961 inspirée de la 649, dont la monture épaissie exprime une personnalité décidée, disponible en trois variantes écaille mais aussi en bordeaux et en jaune ; la 2962 plus discrète, de forme enveloppante, proposée en bleu et rouge foncés striés ou la 2958, très actuelle, proche du modèle porté par Adrian Brody à la Mostra de Venise – événement cinématographique auquel Persol est associé depuis 2005.