Hugues Lallemand, portrait d’un amoureux de la haute gastronomie
En plus d’être un éminent spécialiste du développement touristique et du développement de territoire, Hugues Lallemand est un grand amoureux de la haute gastronomie et de l’art de table à la française. Pour lui, la gastronomie est un art à part entière et un vecteur de promotion de la culture française aux quatre coins du monde. Dans une interview publiée sur Luxe Infinity, Hugues Lallemand a enfilé son costume de gastronome averti pour parler cuisine et art de la table. Portrait de ce passionné de la haute gastronomie.
Haute gastronomie : la quintessence de l’art de vivre à la française
C’est ainsi que la conçoit Hugues Lallemand. Pour lui, « la gastronomie française est sans doute la quintessence de notre art de vivre ». Un art de vivre qui remonte à la nuit des temps, comme l’explique M. Lallemand. Jadis, au temps des magdaléniens, tout le clan se réunissait autour du feu pour répondre à un besoin vital, celui de manger pour assurer sa survie. Petit à petit, ce moment s’est transformé en un temps de partage et de plaisir. C’est ainsi que s’est développée une fonction émotionnelle de la gastronomie, la table ayant vocation à éveiller tous les sens de l’Homme.
Hugues Lallemand fait remonter la naissance de la gastronomie à celle de la France, notamment avec les banquets, toutes classes sociales confondues, qui se sont institutionnalisés aux quatre coins du pays. Très vite, la mise en scène des tables a été minutieusement codifiée, que ce soit dans le monde du labeur paysan ou chez les autorités de pouvoir et d’épée. La table incarnait alors une dimension festive, mais aussi de rassemblement familial, social ou institutionnel. Hugues Lallemand insiste également sur la symbolique spirituelle et de puissance sociale de la table. En effet, la gastronomie est peu à peu devenue un instrument politique d’une puissance incroyable pour le pouvoir en place. La table est alors symbole d’accueil et de bienvenue, avant de devenir un véritable outil diplomatique qui facilitait l’atteinte des objectifs visés.
« Une quête perpétuelle de l’excellence et de la perfection »
Hugues Lallemand a sa propre définition de la haute gastronomie. Pour lui, c’est une quête perpétuelle de l’excellence et de la perfection, mais « c’est aussi l’art de choisir, de cuisiner pour sublimer et magnifier un produit de la terre ou de la mer, de le mettre en scène afin de le partager et de le savourer », explique-t-il. La haute gastronomie a par ailleurs une autre caractéristique qui lui est propre, à savoir celle du respect du produit et de l’environnement. Selon M. Lallemand, la haute gastronomie, française en particulier, ne peut être pensée sans sa dimension émotionnelle et affective. Pour lui, « la haute gastronomie française est aussi un acte d’amour et de générosité ». Elevée au rang d’art, la gastronomie française repose sur un savoir-faire artisanal dont l’objectif ultime est de créer des moments d’émerveillement. Elle n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser, élitiste. L’art de table à la française est accessible à toutes et à tous, mais il nécessite des compétences pointues pour atteindre le haut niveau.
L’association du luxe et la haute gastronomie
On ne peut ignorer le succès à l’international des grandes marques de luxe françaises, notamment du point de vue de la haute couture. Pour Hugues Lallemand, nous sommes arrivés à une étape charnière, où la haute couture devra s’associer à la haute gastronomie. Les prémices de cette étape commencent à prendre forme, avec l’apparition de lieux de pauses gourmandes de haute qualité dans les grands malls dédiés au luxe. En France et un peu partout dans le monde, quelques expériences d’association de haute couture et de haute gastronomie voient le jour. A ce propos, monsieur Hugues Lallemand évoque le cas de Louis Vuitton en exemple : « à la Samaritaine, Louis Vuitton va ouvrir un palace et plusieurs restaurants. Le groupe a inauguré, dans sa plus grande boutique à Osaka au Japon, un restaurant assorti d’un café et de corners dédiés aux chocolats ».
Faire émerger des grands groupes de la haute gastronomie
Hugues Lallemand pense que la haute gastronomie doit prendre exemple sur le secteur du luxe pour faire émerger des grands groupes internationaux. Mais force est de constater qu’aucun groupe n’a pu réussir cette transition pour avoir des restaurants étoilés un peu partout dans le monde. Exception faite du groupe familial italien Cipriani, qui possède une vingtaine de restaurants d’excellente cuisine italienne dans le monde, depuis maintenant 4 générations. En France, l’exception porte deux noms : Joël Robuchon et Alain Ducasse, deux maestros étoilés qui ont réussi, grâce à leur talent et à leur notoriété, à hisser leurs groupes au rang de marques mondiales présentes à l’international.
Pour Hugues Lallemand, pérenniser des marques dans le secteur de la haute gastronomie passe par la création de « grandes écoles » de formation à l’excellence culinaire, à même de former les grands chefs de demain. Il est également indispensable, selon M. Lallemand, de mettre en place des écosystèmes autour de la gastronomie capables de fédérer les jeunes. En créant des écoles de ce type, il sera alors possible aux leaders mondiaux du secteur du luxe d’investir dans la formation d’une main d’œuvre qualifiée. Vous l’aurez compris, Hugues Lallemand insiste sur le volet formation, pour la simple et bonne raison que la haute gastronomie, et le luxe plus généralement, repose sur les épaules d’artisans experts, d’artistes visionnaires. Le contre-exemple parfait à ce niveau est celui de l’Asie. M. Lallemand explique : « l’Asie illustre bien cette problématique. Ce continent a vu émerger aussi bien en hôtellerie qu’en restauration des établissements de luxe vertigineux mais bien souvent la richesse et la qualité humaine des prestations ne suivent pas… Les besoins sont colossaux en matière de formation sur ce continent ».
Haute gastronomie et diplomatie
La France voue un véritable culte à l’art culinaire. Aujourd’hui, la haute gastronomie à la française est associée au luxe et à une certaine élégance à la française. Mais au-delà de son raffinement, la haute gastronomie a aussi vocation à être un outil diplomatique d’une puissance surprenante. En remontant le fil de l’histoire, Hugues Lallemand nous explique que la gastronomie a assez tôt été utilisée comme un outil démonstratif de puissance de la part du pouvoir royal et des différentes républiques en France. Elle a aussi été un outil diplomatique qui s’est révélé être d’une grande efficacité aux moments les plus sombres de l’histoire de la France. Ce fut notamment le cas à la chute de Napoléon en 1815. Lors du congrès de Vienne, le fin diplomate français Talleyrand a eu la brillante idée de dépêcher en Autriche les plus grands cuisiniers de France. Les somptueux banquets organisés par ses soins à l’adresse des grands leaders européens de l’époque ont servi à limiter les annexions sur le plan territorial. Plus près de nous, il est évident que les grands chefs d’entreprises, les chefs d’Etats et les stars du monde entier sont toujours émerveillés par la haute gastronomie française lorsqu’ils visitent notre beau pays. Vous l’aurez compris, la gastronomie française est un outil d’une redoutable puissance d’un point de vue du marketing du pays.
L’art de table à la française
Comme l’explique Hugues Lallemand, la gastronomie française a très vite été codifiée : « un cérémonial qui a évolué au cours du temps a été un des pans fondamentaux pour valoriser les plats mais aussi pour faire en sorte que la table permette la conversation, l’accueil de la parole de l’autre. La gastronomie est une mise en scène ! Elle nécessite un cérémonial, un décor, une présentation et même une scénographie ». Aujourd’hui, plusieurs techniques de la salle font partie du patrimoine immatériel de l’humanité : cérémonial de la cloche, découpes, flambages…
Parallèlement à l’art culinaire, la France a réussi à développer une industrie à la périphérie des arts de table. C’est notamment le cas des porcelaines de Limoges comme Bernardaud, des grandes verreries telles que Baccarat ou encore des maisons d’orfèvrerie comme Christofle… A ce propos, Hugues Lallemand pense que « ces industries devraient faire partie de l’exception culturelle française et, à ce titre, promues, aidées et protégées ». On espère que son appel sera entendu ! Par ailleurs, l’art de table à la française est aussi synonyme de valeurs de bienséance, de courtoisie, de galanterie ou encore d’art de la conversation. Autant de concepts qui tombent (malheureusement) en désuétude aujourd’hui, mais qui pourtant représentent le symbole de l’art de vivre et du romantisme français. M. Lallemand reste optimiste : « dans les prochaines années, ces valeurs, peut-être revisitées, reviendront en force… Les nouvelles générations sont en quête de sens, et elles retrouveront ces valeurs assises sur le respect de la planète bleue ».