Gros plan sur une pièce de folie
Au premier regard son allure interpelle : la pièce est de celles qui vous enlèvent une silhouette, tant par sa ligne que par la qualité flagrante de ses matières. Toutes caractéristiques confirmées au-delà de toute espérance lors notre examen. Appelons un chat un chat : c’est une merveille.
Il s’agit d’un Chesterfield en soie greige habillé d’un col de renard. On observe une coupe type Windsor, à six boutons dont quatre fermants et deux décoratifs au niveau de la poitrine, décalés vers l’extérieur.
Dans le détail on remarque des poches plaquées à rabat, relevées de piqûres gantier apposées à 8 mm des bords : une exécution très soignée, vraisemblablement italienne ; et de jolis parements de manches, parfaitement proportionnés et eux aussi très bien finis.
A l’arrière on détaille un dos de manteau voyageur, caractérisé d’une part par son pli creux et ses pinces, et d’autre part par ses finitions très soignées : les plus exigeants apprécieront l’hirondelle marquant le haut du pli, la simple fente dans l’intérieur du pli creux (ce dernier fermable par trois boutons en cas de mauvais temps) et la martingale boutonnée permettant de recintrer le manteau à volonté, selon que l’on préfère une ligne ample ou ajustée – ou, pour dire les choses autrement : que l’on est mince ou un peu moins…
Mais le trait le plus caractéristique de ce manteau, c’est sa matière. A un mètre on pense avoir affaire à un feutre ou un épais drap de cachemire. On éprouve ensuite un choc en découvrant la douceur, l’onctuosité et la souplesse au toucher : on croit cette fois caresser de la vigogne (et on envisage le prix astronomique qui va s’ensuivre). Alors que l’on se trouve en fait face à la soie la plus extraordinaire qu’il nous ait été donné d’apprécier en matière d’habillement. En dix ans de Gros Plans, personne au sein de notre petit aréopage technique n’a jamais touché, excepté une vigogne, de matière aussi douce et souple. Magnifique ! La couleur greige permettra l’accessoirisation avec un costume gris aussi bien que bleu marine ou, plus casual, avec un chino. On pense également à un velours mille raies blanc cassé pour un week-end à Gstaad ou St. Moritz… Du lourd question style, quoi qu’il en soit.
Et notre appréciation – en l’occurrence on serait tenté d’écrire « notre émerveillement », mais le superlatif est toujours relatif, c’est pourtant le terme le plus précis pour décrire les réactions relevées lors de notre réunion Gros Plan – ne s’arrête pas là, mais s’étend également au col de fourrure.
Superbe lui aussi (en renard, le loup étant interdit), celui-ci est si parfaitement patronné, et se pose de fait si bien sur le col et les épaules, que l’on ne peut deviner sa construction amovible, par un système de boutons et de boutonnières invisibles à l’intérieur de la pièce de fourrure. Ce col amovible présente de fait l’avantage non négligeable de proposer deux manteaux en un : une pièce de ville très classique et un manteau à col de fourrure, plus luxueux et plus affirmé.
Il n’est qu’à l’intérieur que nos experts ont pu exprimer leur sens critique, en regrettant de trouver là une doublure de cupro alors que la qualité générale du manteau mériterait un bimberg, voire une soie. Quitte à ce que celui-ci ou celle-ci ne soit pas monogrammé(e), puisque la mise en fabrication d’un tissu de doublure griffé suppose des volumes incompatibles avec la demande de pièces d’un tel niveau : à tout prendre l’amateur préfèrera toujours une doublure de satin ou de soie unie à une autre de cupro griffée. Seconde petite réserve sur l’intérieur : on n’y remarque qu’une poche, deux auraient permis de mieux équilibrer les toiles. Mais on est ici dans la remarque de principe, qui nous permet de ne pas parler de perfection, un terme à l’utilisation toujours délicate.
Quoi qu’il en soit on l’aura compris : nous sommes ici en présence d’une très belle pièce, avant tout caractérisée par une soie de folie et une très belle fourrure, qui pose décidément Hartwood comme une adresse à part parmi les habilleurs parisiens pour la qualité de ses pièces, que l’on ne trouve par ailleurs que chez les griffes les plus prestigieuses, et à de tout autres prix.
Manteau croisé Hartwood 100% soie, col renard, 3900 euros.