Giuseppe Santoni tutoie les étoiles mais garde les pieds sur terre
Dandy : L’une des principales caractéristiques des collections Santoni est leur diversité : alors que certaines maisons sont réputées pour leur classicisme et d’autres pour leur tendance fashion, Santoni navigue entre ces deux univers, et cette orientation de la maison s’est faite dès votre arrivée à la direction de l’entreprise. Espériez-vous déjà à cette époque le développement international que vous connaissez aujourd’hui ?
Giuseppe Santoni : « Oui ; Santoni se décline en 75 lignes classiques ; de la collection «Limited Edition» à des lignes très mode comme la Shabby Chic : nous voulons nous orienter vers l’avenir dans un style contemporain et ainsi répondre aux attentes de tous les consommateurs. Lorsque je suis arrivé, la maison s’est projetée dans la dimension internationale avec de nouvelles collections, qui expriment la créativité de la marque tout en gardant l’essentiel de notre ADN. Depuis ces dernières années, nous voulons envoyer un message de confiance à nos consommateurs, avec une des offres les plus complètes du marché, un style tendance sans être fashion victim. Santoni ne veut pas être un trend setter mais compléter parfaitement le style de l’homme moderne en offrant une gamme d’accessoires modes très étendue. Mon but premier est de donner à Santoni une dimension internationale en offrant un produit parfait à notre clientèle.
On peut si vous le voulez bien distinguer quatre grandes lignes dans votre collection : les classiques, les exotiques, le sport et les modèles exceptionnels, et j’aimerais que vous les commentiez pour nous.
On peut aujourd’hui distinguer quatre lignes masculines : Limited edition, Classic, Club et AMG. Ces lignes ont été créées pour donner aux hommes une collection d’accessoires des plus complète, et faire de la maison une marque emblématique dans l’univers de l’accessoire masculin. Parallèlement aux lignes commerciales, nous présentons à chaque édition du Pitti Uomo de Florence des lignes plus tendance, qui présentent le savoir faire de la marque et sa créativité, comme l’année dernière les modèles Gustave et Vichy.
Vos classiques se caractérisent par des formes à monter toujours élégantes, et vous les accompagnez de patines sophistiquées. Comment se fait leur conception : quelle est la liberté du bureau de style, quelles indications leur donnez-vous personnellement ? Donnez-vous par exemple la direction quant aux bouts (carrés, ronds, pointus) ou à d’autres caractéristiques ?
« Limited Edition », la ligne la plus prestigieuse de la maison, présente les techniques de cirage et de lustrage les plus avancées en utilisant les meilleurs matériaux, ce qui signifie en travaillant avec les meilleurs fournisseurs de peaux. Nous souhaitons que les souliers de cette ligne soient en quelque sorte des objets d’art. Notre centre de style emploie aujourd’hui une équipe jeune et dynamique, très à l’écoute des nouvelles tendances, que je chapote comme un garant de l’identité de la marque. Cette méthode de travail pourrait se résumer en une phrase : « Sentez-vous libre mais ressentez Santoni ».
Vous travaillez toutes les peaux exotiques : crocodile, lézard, python, galuchat, anguille, ici encore qui décide des peaux utilisées ?
Est-ce vous, votre père Andrea ou le bureau de style ?
Où vous fournissez vous en peaux ? Il n’y a pas de réel décisionnaire pour l’utilisation de peaux exotiques, Santoni possède une grande tradition dans la transformation de ses peaux, le choix revient directement aux équipes de style qui, en voyageant et en rencontrant nos fournisseurs, croisent la route de produits superbes, ce qui les guide dans leur création. Santoni possède une vraie tradition dans la recherche des meilleures peaux, en travaillant avec les tanneries les plus réputées du monde. Il s’agit d’un exercice très compliqué, qui est toujours dirigé par mon père Andrea pour la ligne « Limited Edition ».
Votre ligne Sport a toujours été très forte, avec des sneakers qui ont tous marqué le marché : Memphis d’abord, Wimbledon ensuite, etc. Quelle direction voulez-vous donner à cette ligne ?
Nous ne faisons pas de lignes sport dans le sens technique du terme, mais une ligne à l’esprit casual et décontracté : « Club », qui privilégie avant tout l’esthétisme dans le sens large, pour constituer un look tendance à porter avec une tenue décontractée ou un jean. Il s’agit d’une collection très importante pour nous, qui a su parfaitement évoluer depuis ces dernières années tout en préservant les essentiels de la marque. Elle a notamment permis d’élargir la clientèle de la collection « Club » tout en renforçant sa cible.
A ce sujet, saviez-vous que nous avons élu le modèle Shark, issu de la ligne Wimbledon, « plus élégant sneaker du marché » ?
Ce modèle est très intéressant parce que sa forme à monter est si réussie qu’elle parvient à rendre la chaussure de sport élégante parce qu’elle reste très fine. Qui a dessiné cette forme superbe, et pensez-vous continuer de développer de nouveaux modèles sur cette forme ? Wimbledon fait partie de notre collection “Special Models”, qui regroupe les modèles les plus fashion fabriqués en éditions limitées pour le Pitti Uomo. Ces modèles sont par conséquent le reflet de la créativité, du style et du savoir-faire de la maison, mais ne sont généralement jamais produits. Quant au modèle Shark, c’est effectivement un réel succès pour la marque, qui mélange parfaitement le style et l’élégance. Il est d’ailleurs porté par un grand nombre de célébrités !
Vous produisez aussi des modèles exceptionnels, comme la bottine norvégienne en croco ou le sneaker AMG en croco jaune et noir, mais on n’arrive pas à les trouver en boutique. Où les amateurs peuvent-ils acheter ces modèles collector que vous présentez régulièrement ?
Ces modèles ne sont pas réalisés pour la vente mais pour l’image de la marque afin de demontrer la capacité de Santoni à produire des modèles d’exception. Mais ils sont tous disponibles sur notre site internet et peuvent être produits spécifiquement à la demande de nos clients VIP.
Quelle est aujourd’hui la production de Santoni, et quelle est sa répartition dans le monde, en Europe (et notamment France et Italie, en particulier), aux USA, en Russie et en Asie ? Nous comptons aujourd’hui plus de mille clients à travers le monde en BtoB, et nous sommes présents dans les meilleurs magasins multimarques tels que Les Galeries Lafayette, Harrods ou Bloomingdales.
Et nous possédons maintenant dix boutiques en nom propre, les dernières ouvertures étant St Moritz, le Qatar et la Russie, qui est un pays clé pour le développement de la marque, avec quatre boutiques ouvertes à travers le pays.
Produisez-vous toujours tout dans l’usine historique, ou avez-vous depuis cette époque agrandie et sous-traitez-vous une partie de votre production ? Tous nos modèles sont toujours produits dans les usines Santoni, sans aucune sous-traitance. Ainsi tous les contrôles qualité de nos articles sont réalisés en interne. Et tous les souliers Santoni sont contrôlés toutes les trois ou quatre étapes de production.
Santoni est une entreprise familiale, et vous m’avez raconté il y a bien longtemps les débuts artisanaux de votre père et de votre mère. A l’époque votre père Andrea dirigeait la technique, votre mère et votre sœur l’administratif et vous-même le commercial. Avez-vous toujours la même organisation ?
Absolument : mon père Andrea est toujours en charge de la production, ma sœur Ilenia gère l’administratif et je suis aujourd’hui PDG de la société, qui reste une affaire strictement familiale.
La seule différence par rapport à l’époque, c’est que nous avons pu ces dernières années nous entourer d’une équipe de direction pour aider au développement marketing et commercial de la marque.
Vous m’indiquiez il y a dix ans essayer toujours de dégager du temps libre pour votre femme et vos enfants. Y arrivez-vous toujours aujourd’hui, avec la taille internationale qu’a pris Santoni, et quelles sont vos passions personnelles lorsque vous ne travaillez pas ?
Mon travail et ma famille sont mes deux priorités, même quand je suis en voyage à travers le monde, j’ai régulièrement ma femme et mes enfants au téléphone, pour toujours rester en contact avec eux. Mais ma véritable passion est mon travail. Santoni emploie aujourd’hui plus de 200 personnes, et je me sens de fait très impliqué dans les problèmes quotidiens – je parle beaucoup avec les employés, je suis très proche de l’équipe managériale, il est important que je sois à l’écoute de mes équipes et de leurs réalités ».