Dans le détail : Zegna
Il n’est un secret pour personne que les tissus Ermenegildo Zegna font partie des plus beaux, et celui de ce costume Couture Su Misura est superbe. Il s’agit d’une sergine Super 130 de 280 grammes bleu marine à rayures tennis lavande.
Il ne peut cependant être comparé aux laines d’Arnys et Smalto, que l’on sait au premier regard appartenir exclusivement au monde de la mesure : nous avons affaire ici à l’un de ces tissus que l’on s’attend à trouver sur du prêt-à-porter haut de gamme, qu’il soit griffé Brioni, Dior, Kiton ou Zegna.
Il en va de même de la coupe de la veste, classique à deux boutons. Nous observons un cran normal à l’italienne, deux boutons bien placés, des poches à rabat, des finitions soignées : demi-lunes, piqûres AMF jusque sur les poches… Ces piqûres AMF sont d’ailleurs si l’on y pense assez représentatives de la demi-mesure, puisqu’il s’agit de coutures effectuées par des machines programmées pour donner l’aspect main.
Plus avant dans le détail, on remarque une belle épaule, souple et pas trop longue, dotée d’une belle cigarette : la soft shoulder par excellence, naturelle, parfaite expression du bon goût italien. La doublure de satin bimberg lavande, coordonnée aux rayures du tissu, est superbe, et la qualité des finitions intérieures, sans esbrouffe mais très soignées, s’y exprime avec force : l’intérieur de la veste est valorisant s’agissant d’un produit de demi-mesure.
Le gilet à revers est doté de deux poches à rabat. On note ici encore des demi-lunes à l’italienne pour finir les poches. Le travail ne revendique pas la dimension tailleur des pièces précédentes (les ouvrières ont rapporté et coupé, ne consommant pas plus de tissu que nécessaire, juste une bande d’un centimètre pour rabattre les poches), mais les tarifs n’ont rien de comparable. On remarque néanmoins que le gilet a le bon goût d’être surpiqué au niveau du col. Il s’agit certes d’une piqûre machine, mais le fait qu’Ermenegildo Zegna n’ait pas choisi de faire l’économie de cette finition est à souligner.
Inscrit dans la modernité, Zegna a privilégié la coupe droite pour le pantalon. Le patronage prévoit une patte capucin pour fermer le bouton : une figure de style qui n’apporte rien en terme de confort mais se justifie pour la beauté du geste, comme le pont Arnys, les tirettes de peau Cifonelli ou la poche en goutte d’eau Smalto. On regrette en revanche que le bouton de fermeture soit apparent (boutonnière) : sur un costume haut de gamme, de surcroît destiné à être porté sans ceinture, le bouton devrait être intérieur, ou carrément remplacé par une agrafe. Bon point en revanche pour la découpe en V arrière, mais pourquoi ne pas la doter d’une mouche de finition ?
A l’intérieur on découvre de belles fournitures à chevrons et des boutons de bretelles bien placées (6,5 cm d’écart).
On retient au bout du compte de cette belle demi-mesure Zegna l’impression d’un costume bien fait mais très académique, et dépourvu de la magie que l’on peut trouver sur un prêt-à-porter St Andrews pour Purple Label – plus cher il est vrai. Peu de remarques à part cela : la silhouette gagnerait sans doute à avoir des poches installées deux centimètres plus haut et des fentes dorsales trois centimètres plus longues. Citons enfin les piqûres AMF à l’intérieur de la veste, là où l’on aurait apprécié un rabattu main.
En conclusion
Notre propos n’étant pas d’établir un classement mais de souligner les caractéristiques qui font la nature de la grande mesure, notre aréopage technique nous livre cette brève synthèse : avec Arnys nous apprécions la grande mesure traditionnelle dans toute sa splendeur, un esprit et une coupe exceptionnels ; avec Cifonelli nous découvrons le plus beau rabattu main et des finitions que la maison est la seule à proposer, une véritable haute couture ; avec Smalto nous rencontrons une ligne valorisante et exclusive. La demi-mesure Zegna joue dans une autre cour et constitue une offre à laquelle la mesure Hartwood oppose une alternative particulièrement intéressante.