Culture mode
A la différence de tant d’autres esthètes, les élégants ne disposent que de peu d’ouvrages de référence : on citera bien sûr l’incontournable Dressing the Man, du pape de l’élégance américaine Allan Flusser, hélas indisponible en Français, Hollywood Costards, Dressing in the Dark et le très exhaustif L’Eternel Masculin, respectivement publiés en 2002 et 1999. Ces bibles de l’élégance accueillent aujourd’hui un cinquième opus : 100 ans de mode masculine, écrit par Cally Blackman, disponible depuis début octobre.
Découpé en deux grandes périodes : de 1900 à 1939 et de 1940 à nos jours, l’ouvrage retrace sur plus de 300 pages l’histoire de la mode masculine à travers tout le XXème siècle. Il est divisé en onze grands chapitres ; le gentleman, l’ouvrier et le soldat, l’artiste et le réformateur, le bon et la brute et enfin le sportif pour la première ; le rebelle, le paon, la star, l’anticonformiste, le styliste et le créateur pour la seconde.
Chaque style est introduit par une double page de présentation rappelant l’esprit de l’époque et les événements historiques qui la marquèrent, puis présenté et décrypté à travers une abondante iconographie, légendée par une plume érudite. Au-delà de l’histoire du vêtement moderne, c’est une leçon de culture contemporaine que nous propose l’auteur.
Son livre est en effet l’occasion de retrouver au fil des pages des photographies de Mark Twain ans l’un de ses fameux quatorze costumes de serge blanche assorti d’une cravate Ascot (1900), de Modigliani jeune en pull à col velours (1909), du Duc de Windsor (en costume à rayures), de George Bernard Shaw (« adepte d’un habillement rationnel », tropical shoes et canotier en 1931), Gary Cooper (en costume blanc simplement assorti d’un foulard, 1932), Rudolf Valentino très élégant dans un costume s’intérieur trois pièces à col châle et parmentures de poignets (1925), Errol Flynn en strict costume croisé à rayures (1933), l’incontournable Fred Astaire, icône des dandys, en queue de pie, chaussures à guêtres blanches et chapeau haut de forme (1946), en illustrations vivantes de l’élégance classique.
Le casualstyle est représenté au fil des décennies avec le même talent par un Charles Lindbergh en blouson de laine à poches plaquées (1925), un James Dean (tee-shirt, blouson de coton, jean et work shoes, 1955) ou un Marlon Brando dans le fameux Perfecto de l’Equipée Sauvage (1953).
Les tenues excentriques sont également de la partie, et représentées avec brio par nombre de vedettes ayant marqué leur époque : Mick Jagger en veste d’uniforme de grenadier en 1967, Jimi Hendrix en total look hippy en 1967, Lord Patrick Litchfield, photographe du who’s who, en grande tenue Regency, veste brodée et jabot de dentelle, David Bowie version rockabilly (1974)…
Dans le genre, les affligeantes tenues punk, skin, gothiques et consorts, des Boy George et autres énergumènes de Grande Bretagne, du Japon et même d’Estonie, nous rappellent que le goût de chiotte marque aussi épisodiquement la planète mode.
Enfin, le cinéma ayant toujours été l’une des vitrines privilégiées de la mode et inspirant régulièrement les créateurs du monde entier et les élèves des écoles de stylisme, il est ici largement représenté.
Lesdits créateurs et élèves trouveront de quoi nourrir leur créativité avec des photos de Steve McQueen (L’Affaire Thomas Crown, 1968), Cary Grant (La mort aux trousses, 1959), Marcello Mastroianni (La Dolce Vita, 1960), Sean Connery en veste Nehru made in Savile Row (James Bond contre Dr. No, 1962), Alain Delon et Jean-Paul Belmondo en tenues 1930 (Borsalino, 1970), Robert Redford en costume trois pièces blanc Ralph Lauren dans le cultissime Gatsby le Magnifique (1974) et jusqu’au très actuel Daniel Craig (smoking Brioni, Casino Royale, 2006).
Les tenues faussement décontractées de Don Johnson, vestes Armani couleurs pastel portées manches retroussées sur un tee-shirt (Miami Vice, 1984 à 89) sont là pour le rappel historique, pas pour l’exemple.
En bref, c’est un ouvrage de référence indispensable que Cally Blackman et les éditions Eyrolles nous offrent avec ces 100 ans de mode masculine. Trois cents pages et des centaines de photos et dessins pour cultiver notre vestiaire.