Nous l’avions écrit il y a quelques années déjà dans ces colonnes, la Corse viti/vinicole a connu ces dernières années une évolution spectaculaire. Trop longtemps méconnus, les vins corses avaient en effet pour vocation de satisfaire la consommation locale. La très grande majorité des vignerons n’avait pas imaginé que ses vins puissent satisfaire les consommateurs continentaux, et encore moins les consommateurs internationaux. C’est sous l’impulsion de quelques vignerons visionnaires comme Antoine Arena que les vins corses sont sortis de l’anonymat pour être vendus sur tout le territoire français et à l’étranger.

Issus de cépages autochtones, essentiellement vermentino pour le blanc, nielluccio et sciacarello pour le rouge, ces vins sont extrêmement intéressants et assez déroutants pour ceux qui ont une idée préconçue des vins du Sud. Pour étrange que cela puisse paraître, les vins corses sont avant tout fins et ne présentent pas du tout les caractéristiques des vins septentrionaux gorgés de soleil et parfois trop généreux en alcool. Il ne faut en effet jamais perdre de vue le fait que la Corse est en réalité une montagne « plantée » dans les eaux de la Méditerranée et que son climat, même chaud presque toute l’année, n’est jamais suffoquant.

Ce sont les vins blancs qui sont les plus réputés. Certains Domaines situés en altitude sont tout à fait propices à l’élaboration de grands vins blancs qui nécessitent les bienfaits d’une fraîcheur nocturne, en particulier au moment des vendanges. C’est précisément le cas du Domaine d’Alzeto, situé sur les hauteurs d’Ajaccio, qui propose un vin blanc de toute beauté très prisé des connaisseurs.

Les vins rouges ont également acquis leurs lettres de noblesse. Lorsqu’ils sont issus du sciacarello ils sont, à l’instar des vins de pinot noir, pourvus d’une robe plutôt claire offrant un nez très aromatique et une bouche très fraîche. Ce cépage se trouve essentiellement dans la région d’Ajaccio mais également dans le Sud de l’île. Les vins rouges issus du nielluccio sont quant à eux beaucoup plus sombres et plus structurés, et peuvent nécessiter une garde de quelques années avant de livrer leurs secrets. Les grands vins issus du nielluccio se trouvent essentiellement dans le Nord de l’île, en particulier dans l’appellation Patrimonio.

Les vins rosés pourraient de prime abord ressembler à ceux de Provence, plutôt frais, tendus et minéraux. Certains vignerons dont Antoine Arena, encore lui, ou encore Yves Canarelli pour ne citer qu’eux, proposent de vrais rosés de gastronomie aux arômes complexes et endémiques, qui peuvent gagner en complexité après quelques années de garde.

Comme partout en France, les vignerons corses ont pris conscience du potentiel de leur terroir et, sous l’impulsion de quelques uns d’entre eux, ont apporté un soin de plus en plus appuyé à la conduite de leur vignoble et à la qualité de leur vinification, de sorte que la Corse regorge aujourd’hui de vins de très haute tenue, à telle enseigne que certains grands blancs, notamment de Patrimonio, n’ont pas à rougir de la comparaison avec les meilleurs blancs continentaux.

Comme d’habitude nous n’aurons pas ici pour ambition de dresser un inventaire exhaustif des meilleurs vins corses, loin s’en faut, mais de partager avec vous certains des vins qui ont su nous séduire et qui ne peuvent pas vous décevoir.

Domaine Leccia Muscat du Cap Corse (2011)

Jolie robe jaune dorée. Le nez est très caractéristique du muscat du Cap avec des notes confites de poire et de crème d’amande, tout en étant floral et connoté de fruits jaunes. Le tout rehaussé par de belles notes de miel de châtaigner. En bouche, on a la sensation de croquer dans du fruit frais. Elle est très ample mais jamais lourde, la finale laissant un palais frais et intact, ce qui n’est pas forcément habituel pour des vins conservant une certaine quantité de sucre résiduel. A déguster en apéritif, avec des fromages à pâtes persillées ou encore du foie gras (l’alliance est beaucoup moins lourde qu’avec le sempiternel Sauternes).

Antoine Aréna – Bianco Gentille (2012)

Cette bouteille sort du lot. Son cépage, le Bianco Gentile (une rareté), n’étant pas répertorié par l’INAO pour l’appellation Patrimonio, ce vin est « disqualifié » en vin de France. Pour autant, il exprime une personnalité hors du commun avec des notes de fruits un peu confites, d’abricots, d’amandes et de noisettes grillées, et offre une bouche très structurée, fraîche et longue. Peut être gardé quelques années avant d’être bu sur des poissons ou de la viande blanche en sauce.

Clos d’Alzeto – Rosé 2013 (Ajaccio)

Robe assez soutenue d’une jolie couleur mandarine. Le nez s’exprime avec quelques notes un peu acidulées assez inhabituelles pour ce vin traditionnellement minéral. Très souple en bouche avec une belle longueur. Accompagne parfaitement toutes les spécialités corses estivales.

Alzeto Blanc – Prestige 2013 (Ajaccio)

Ce vin blanc se présente dans une robe jaune pale. Le nez est marqué par les fruits exotiques (mangue, fruit de la passion). Il s’exprime également sur des notes minérales qui lui donnent une personnalité très particulière. En bouche, on retrouve une certaine exubérance à la rétro-olfaction avec une finale fraîche et persistante. Pour accompagner les produits de la mer mais également la charcuterie.

Camellu – Rosé 2013 (Calvi)

Jolie robe orangée/cuivrée d’une couleur assez soutenue malgré un certain rosé presque blanc. Nez très subtil et gourmand de fleurs blanches et d’agrumes (pamplemousse rose) assortis d’une certaine minéralité. Très belle tenue en bouche et belle persistance aromatique. Parfait pour l’accompagnement de l’excellente charcuterie corse.