On connaît aussi le coq au vin champenois de Bouzy, au vin jaune de Franche-Comté, au pinot de Bourgogne, au riesling en Alsace. A force d’être de partout, le coq au vin est de nulle part. La grande cuisine s’en méfie, qui réserve ses crêtes et ses rognons à la garniture des volsau- vent. Seul l’Ardéchois Claude Peyrot, l’admirable cuisinier du Vivarois, à Paris, osait autrefois présenter un coq ivre de pommard. Mais le coq est devenu une denrée rare, le plus souvent remplacé par un poulet dodu. Aussi bien, l’un des rares restaurateurs qui présente toute l’année un coq au vin sur sa carte est Alain François, patron d’une brasserie à l’ancienne, à Saint-Ouen. Sa recette «n’a pas bougé depuis cinquante ans», dit-il en ouvrant un meursault de Coche-Dury, dont sa cave est largement pourvue. Son fournisseur est un volailler spécialisé de Rungis. «Je choisis des coqs entre quatre et six kilos», soit, une fois découpés, entre 12 et 14 portions, aussitôt mises à mariner, pendant quarante-huit heures au moins, dans un vin rouge (corbières) avec carottes, oignons, clou de girofle, bouquet garni et un trait de vinaigre. Les carcasses vivement colorées, légèrement singées (farinées), auxquelles on ajoute un mirepoix de légumes, donnent, après réduction, un fond de volaille corsé. Une fois bien égouttés, les morceaux sont flambés, colorés à feu vif, puis mis à cuire dans le vin de la marinade et le fond, en parts égales. Au dernier moment intervient l’indispensable liaison au sang qui donne à la sauce son incomparable sapidité. Un peu de persil ciselé, des tagliatelles au beurre en garniture, le coq est servi brûlant. Un délice. La carte est bien pourvue en plats canaille : persillé de Bourgogne, pied de porc pané, tête de veau – cuite entière, ce qui est rare – ainsi que les grands classiques de la cuisine bourgeoise. Le décor, faut-il insister, est intact depuis les années 50, style Vincent Auriol – René Coty. Le patron, jovial et débonnaire, a fait sienne la devise : «le vin est généralement rouge, sauf le matin, lorsqu’il est blanc.» Menu : 31 €. A la carte, compter 45 €

Le Coq de la Maison Blanche
37, Boulevard Jean Jaurès, 93400 Saint-Ouen. Tél. : 01 40 11 01 23. Fermé le dimanche.
 

Le billet de Jean-Claude Ribaut

Chroniqueur gastronomique au Monde, co-auteur de nombreux ouvrages, Jean-Claude Ribaut est le chroniqueur français dont la curiosité et l’exceptionnelle connaissance des produits fascinent par leur apparente simplicité. Voyages, lieux, saveurs de l’ici et de l’ailleurs, architectures, il nous fait l’amitié d’écrire pour Dandy, au fil de ses goûts. Voyage, rencontre, architecture, gourmandise ; sa curiosité est un plaisir de lecture