Bentley Continental V8 : authentique et chic
On n’essaye pas une Bentley comme n’importe quelle autre voiture. L’engin mérite style et sérénité. A un week-end dans un palace normand ou méditerranéen nous avons préféré une échappée belle en terre bretonne, dans le berceau de coeur de la Maison de Polignac, le Domaine de Kerbastic.
Charme, distinction, raffinement : ces deux-là cultivent les mêmes valeurs et semblent faits pour s’entendre. Profitant de l’un de ces week-ends durant lesquels l’automne prolonge un été venu tardivement, nous nous poserons à Guidel, dans la région de Lorient, pour redécouvrir cette région pleine de charme qu’est le Golfe du Morbihan. Pour ce faire nous disposerons du plus classieux de tous les coupés actuels : le Bentley Continental, dans sa toute dernière version V8.
La Continental V8 : un must, tout simplement
L’auto est sans rivale depuis son lancement en 2003. Majestueux coupé quatre places, elle accueille ses passagers dans un confort souverain et les véhicule de la façon la plus classieuse. Ses concurrentes se comptent au nombre de deux et s’appellent Mercedes CL (plus poussée technologiquement mais moins chic) et Rolls Royce Wraith (encore plus rare mais nettement plus chère, et plus difficile à assumer dans l’Hexagone), c’est dire si la catégorie est exclusive. La fluidité de sa ligne permet de minimiser un encombrement non négligeable et la puissance de sa mécanique de faire oublier un poids conséquent, jusqu’ici au prix de consommations étourdissantes. Car depuis son lancement l’auto était dotée d’un moteur 12 cylindres de 6.0 litres de cylindrée réputé pour sa gourmandise.
La conjoncture a incité la maison à lui offrir un groupe propulseur tout aussi noble mais plus sobre, en l’occurrence le V8 4.0 litres de l’Audi A8, retravaillé chez Bentley pour fournir 500 chevaux grâce à l’adjonction de deux turbocompresseurs. Pour le reste, la « Conti » reste immuable en versions V8 et W12 : même carrosserie discrètement modernisée en 2012 (optiques avant et arrière affinées) et même habitacle luxueux. Aucun élément de différenciation ostensible : les connaisseurs identifient la motorisation au dessin des sorties d’échappement, ovales sur les versions W12 et en forme de 8 couché sur les V8.
Un autre monde
La Continental attire le regard par son allure aristocratique. Rien d’aussi spectaculaire qu’une Ferrari ou une Lamborghini, ni d’aussi fin qu’une BMW 650, mais une silhouette fluide et élégante malgré son volume. A l’intérieur quatre vraies places, certes moins généreuses à l’arrière que celles des grandes berlines mais permettant de voyager à quatre adultes.
On s’installe dans un habitacle d’un luxe absolu : à part les combinés navigation et instruments sur la console, aucun morceau de plastique ne vient hypothéquer l’impression d’opulence de ce cocon nomade. Le regard et le toucher caressent le cuir pleine fleur, omniprésent des fauteuils au tableau de bord et à la console en passant par les contre-portes et même le pavillon, apprécient les piqûres contrastées qui relèvent ses empiècements, savourent sa façon matelassée, parcourent les placages d’eucalyptus vernis, effleurent le métal brossé des ouïes d’aération et du sélecteur…
Si les multiples réglages des sièges (pas moins de 14, jusque la longueur de l’assise) permettent de régler une position de conduite parfaite, on regrette cependant que Bentley n’ait pas cru bon de les doter des mêmes fonctions de refroidissement et de massage (et du soutien dynamique des Mercedes Classe S) que ses concurrentes, ceux de la Conti devant se contenter d’une fonction chauffage. C’est bien, mais insuffisant à ce niveau. Au niveau des réserves, on regrettera également une navigation peu convaincante, et prise plus d’une fois en défaut. Dommage, ici encore. En revanche, mention particulière pour l’installation hifi Naim qui, sans atteindre la perfection des système Bang & Olufsen d’Aston, Audi et BMW, est d’une qualité exemplaire. Contact. Au démarrage, on est presque surpris de la sonorité nettement sportive de l’échappement. Le sound design est indiscutablement passé par là et le V8 s’éveille en rappelant qu’il a du caractère. J’avoue avoir toujours regretté que Bentley ait choisi cette approche pour les versions W12, dont j’aurais pour ma part – mais c’est très subjectif – préféré une sonorité plus smooth, un chuintement. Il est vrai que Bentley souhaite se démarquer sur ce point de Rolls et cibler une clientèle plus jeune.
Quoi qu’il en soit cette version V8 s’éveille sur un feulement évocateur. Mais il s’agit en fait d’une déclaration d’intention, car moteur et échappement se font ensuite très discrets (et c’est à mon sens ce qu’on leur demande, sinon autant acheter une BMW M6 ou une Ferrari F12) pour offrir un confort d’utilisation hors du commun, et ce n’est qu’en cas de forte accélération qu’en montant dans les tours l’ensemble motopropulseur rappelle que le gentil matou qui ronronne langoureusement sait aussi se montrer un fauve particulièrement méchant. Avec 500 ch et surtout un couple maxi de 667 Nm atteint dès 1700 tours (merci la suralimentation), la Conti V8 ne s’en laisse pas compter par les meilleures sportives, égalant la Porsche 911 et la Jaguar XKR au 0 à 100 km/h (4,8 secondes) et les devançant en vitesse maxi en s’affranchissant du cap symbolique des 300 km/h (303 exactement). A partir de 4000 trs le V8 (et son échappement) change de registre, colle les passagers aux sièges et vexe les matamores au volant de leurs sportives surbaissées (et inconfortables) avec le bruit caractéristique du V8 en furie. Gavé par ses deux turbocompresseurs le moteur oublie alors littéralement les 2,3 tonnes qu’il doit mouvoir, et l’héritage sportif de Bentley se rappelle à notre bon souvenir. Du bonheur à l’état pur pour le connaisseur. Rien de bien nouveau sous le soleil, me direz-vous : la Conti W12 offrait déjà ce cocktail de sensations enivrantes. C’est vrai. Mais au prix de consommations délirantes, même à allure réduite. Et c’est là que cette version V8 prend tout son sens : grâce à une gestion très pointue du moteur (celui-ci ne fonctionne que sur quatre cylindres lorsque les huit ne sont pas sollicités, la transition se faisant imperceptiblement grâce à une parfaite isolation des vibrations ; Bentley ayant atteint avec cette technologie dite du « déplacement variable » l’objectif de réduire de 40% la consommation d’une GT qu’elle s’était fixée en 2008), la Continental V8 annonce des consommations et des émissions impensables avec la motorisation W12 : 10,9 litres en cycle mixte et 246 g/km. Mieux : au cours de tout notre périple breton, nous avons pour notre part vérifié 11,9 litres de consommation moyenne – remarquable (n’oublions pas que la voiture dispose de 500 ch et d’une transmission intégrale, et pèse 2,3 tonnes) !
Alors, oui : au risque de décevoir, nous pouvons estimer que les palettes au volant pourraient être mieux placées, la navigation améliorée et les sièges dotés de fonctions plus complètes.
Pour le reste, désolés : cette Bentley Continental V8 représente l’expression la plus précise de l’idée que nous nous faisons de la voiture parfaite. Au bémol près d’un tarif qui en fait un rêve inaccessible pour le commun des mortels.