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Bentley Continental sur une autre planète

Depuis son lancement en 2003 la Bentley Continental passe pour l’une des voitures les plus désirables du monde. A juste titre, tant elle cumule les points forts : pedigree, performances, confort… Après quinze ans d’existence – une éternité, dans l’industrie automobile – il convenait néanmoins de moderniser la Belle, c’est chose faite avec cette seconde génération. Et si, sans surprise, celle-ci fait tout mieux que son aînée, la façon éclatante dont elle s’impose indiscutablement comme la meilleure GT du monde force l’admiration.


Yves Denis. Photos Véronique Bricout. Avec nos remerciements à l’hôtel Tiara Château Mont Royal Chantilly, Hôtels et Préférence, pour son aimable collaboration.

Vingt-cinq ans d’essais de voitures de luxe et de sport forgent inévitablement une certaine expérience, et permettent de juger objectivement une impétrante. S’agissant de la « Conti », l’exercice devient toutefois un peu plus délicat tant le modèle est symbolique et appelle les superlatifs. J’avoue volontiers mon inclination pour le modèle, dont le principal défaut est à mes yeux d’avoir été adopté par nombre de rappeurs et footballeurs qui ne me semblent pas raccord avec son image et sa dignité, mais ceci est une autre histoire. D’un autre côté la clientèle show-off lui a permis de rayonner plus largement que n’importe quel autre modèle de la marque et d’acquérir un statut transversal unique.
Une philosophie qui la distingue des Ferrari, Lambo et Rolls Royce, qui incarnent pour leur part l’un ou l’autre. A première vue, cette seconde génération semble constituer un restyling de la précédente. Grave erreur : si Bentley n’a pas voulu renoncer à la formidable image de son enfant-prodige, la seconde génération de celui-ci est entièrement nouvelle. Nouveau châssis, moteur retravaillé et technologies de pointe, mais aussi et surtout un style subtilement modernisé qui parvient à être sensiblement plus élégant sans altérer les fondamentaux du modèle : du beau travail.

Entièrement nouvelle
« Il faut que tout change pour que rien ne change »… La nouvelle Continental illustre à merveille la phrase de Lampedusa rendue célèbre par Visconti. Si le bureau de style Bentley a conservé le profil fastback et les épaulements arrière marqués, il a aussi dessiné une face avant nettement affinée, marquée par des optiques oblongues de taille très différente et une nouvelle calandre qui semblent faire du modèle un coupé Mulsanne. Ce nouveau dessin amincit considérablement la voiture et la rend plus élégante. A l’arrière des feux en amande remplacent avantageusement les gros blocs optiques de la première génération. Autant de points qui affinent la voiture, l’aînée paraissant soudain bien balourde à côté de sa cadette, et font oublier un encombrement non négligeable : 4,85 mètres de long et 1,95 de large.

Sans surprise non plus, on découvre à l’intérieur un habitacle d’un luxe époustouflant. Bois précieux vernis (eucalyptus en l’occurrence, les placages d’un centimètre d’épaisseur donnant une impression de profondeur exceptionnelle), cuir souple surpiqué (trois kilomètres de coutures par habitacle !), alu bouchonné et ajustements parfaits (tolérance : 0,1 mm…) constituent un cocon confortable. La porte refermée, on se trouve clairement sur une autre planète, bien éloignée de celle des autres marques automobiles. Evitons le poncif « luxe, calme et volupté » et évoquons les neuf peaux de vaches nécessaires pour habiller un habitacle, le fait qu’il s’agisse de troupeaux élevés en Europe du Nord parce que les insectes moins nombreux que dans le Sud y abîment moins leur peau, les finitions guillochées des pièces métalliques, le fait que ces dernières soient en vrai métal et non en plastique chromé, comme c’est aujourd’hui le cas sur la plupart des marques premium… A la notable exception de Rolls Royce, aucune autre marque au monde ne propose d’habitacle aussi raffiné.

La question se posant souvent de l’habitabilité des « grands coupés quatre places », indiquons qu’avec des passagers avant mesurant moins d’1,80 mètre le recul des sièges avant permet largement à des passagers arrière de glisser leurs jambes derrière le dossier de ceux-ci. Rien à voir avec l’habitabilité toute symbolique des 2+2 : à cette réserve près on peut tout à fait envisager un déplacement longue distance aux places arrière de la Conti.
Le tableau de bord emprunte à la Porsche Panamera son écran central rotatif, qui peut ici se transformer en panneau de bois vernis ou en support de manomètres analogiques complémentaires (thermomètre, chronographe et… boussole !). La transformation de ce cocon luxueux en salle de concert est confiée à une excellente chaîne B&O assurant une reproduction très fine et une bonne spatialisation. Chez Bentley parler de « cuir étendu » n’est pas une promesse de catalogue : au tableau de bord, dans les contreportes et jusque dans les vide-poches de ces dernières et derrière leurs poignées, pas un morceau de plastique n’est visible et le ressenti est celui d’un luxe visant la perfection sans aucune préoccupation d’économie.

Techniquement
Sous la ligne sculpturale de la carrosserie se cachent le châssis des récentes Audi A8 et Porsche Panamera et le W12 6,0 litres, désormais fabriqué à Crewe et retravaillé pour donner désormais 635 ch et surtout 900 Nm de couple maxi, deux valeurs qui annoncent des performances stratosphériques et une souplesse à l’avenant. Pour passer cette cavalerie Bentley a adopté une boîte robotisée à double embrayage à 8 rapports, des suspensions pneumatiques et reste fidèle aux quatre roues motrices, et pour l’arrêter lorsqu’elle a pris le grand galop s’offre rien moins que les plus gros freins acier de la production mondiale (à l’avant des disques de 420 mm pourvus de 10 pistons, à l’arrière 380 mm et 4 pistons). Pour faire bonne mesure cet arsenal est complété par des barres antiroulis actives et une nouvelle direction très communicative, l’ensemble déterminant au bout du compte une Continental 2019 nettement plus efficace que son aînée.

Au volant
Ce programme aux airs d’inventaire à la Prévert scrupuleusement ingurgité, voici venir le moment de prendre le volant de la Belle. Première bonne surprise : en ville la voiture fait oublier son encombrement et glisse sur un filet de gaz. A bord règne un silence absolu, fruit d’une insonorisation très soignée, et l’expérience d’être ainsi coupé de l’agitation extérieure est particulièrement réjouissante. Bardé de ses multiples protections (radars, caméras…), le gros coupé évolue dans la circulation avec facilité, grâce et souplesse, façon force tranquille. Car force il y a, on le vérifie en quittant la ville pour l’autoroute. Là, malgré les 2,2 tonnes de l’auto, ses 635 ch donnent leur mesure et permettent des accélérations de vraie sportive, expédiant le 0 à 100 en 3,7 secondes et autorisant 333 km/h (sur autoroute en Allemagne, évidemment) à ceux qui goûteront le plaisir de vérifier la stupidité de la limitation de vitesse sur autoroute à une époque où les constructeurs créent des voitures aussi efficaces et sûres que la Continental GT. Dans les pays où la réglementation routière obéit à des ayatollahs rétrogrades et démagogues, il faudra en revanche faire très attention au tachymètre pour conserver son permis de conduire, et voilà bien le seul reproche objectif que l’on puisse faire à la nouvelle Conti.
Parce que le comportement sportif et la consommation, les deux principales réserves dont souffrait la première génération, ne prêtent plus flanc à la critique. Le premier grâce au nouveau châssis et à la transmission intégrale favorisant le couple sur le train arrière, qui autorisent désormais les plus expérimentés à découvrir l’ivresse que sait distiller une grande bourgeoise qui se dévergonde, au volant d’une Continental sensiblement plus vive et agile que sa grande sœur. La masse du W12 pèse certes toujours lors des enchaînements rapides sur tracé sinueux, mais l’équilibre de la voiture reste souverain en toutes circonstances. La seconde parce que le système de désactivation d’un banc de cylindres, qui permet au moteur de tourner en ville (ou à 80 km/h stabilisés sur une Nationale à trois voies…) sur six seulement, nous a gratifiés d’une consommation moyenne de 13,2 litres durant notre essai (pour 12,2 litres normalisés), une prouesse remarquable si l’on tient compte de la cylindrée et du poids de la voiture.

Pourtant, au-delà des performances, la qualité la plus pregnante que l’on retient de la nouvelle Continental GT est son confort hors normes, qui repose tant sur l’apaisement des sens ressenti à son bord que sur son insonorisation et sur la filtration opérée par les amortisseurs pneumatiques à trois chambres, qui participent de l’impression de cocon coupé du monde que l’on ressent à bord. Plus fine de traits malgré un encombrement comparable, elle est aussi plus légère (de 300 kg !) et plus vive que son aînée, et n’a plus rien de pataud. Pour toutes ces raisons, le coupé Bentley apparaît comme la meilleure GT du monde au jour d’aujourd’hui – une merveille à laquelle on ne peut même pas reprocher un tarif excessif puisque ses concurrentes directes, Aston DB11, BMW M850i et autres Mercedes Classe S Coupé 65, affichent des tarifs proches ou supérieurs, et réclament elles aussi leur lot d’options pour atteindre le niveau de complétude et de personnalisation qu’elles méritent, mais qui fait facilement bondir leur tarif de 60 ou 70.000 euros.


En deux mots :

Moteur W12 biturbo
Transmission intégrale bva 8
Puissance 635 ch/6000
Cylindrée 5950
Couple maxi 900 Nm/1350
Vit. maxi 333 km/h
0 à 100 km/h 3,7 sec.
Conso moy. essai 12,2 / 13,2 (norm./essai)
Dimensions 4,85 x 1,95 m
Emissions 278
Poids 2252 kg

Prix 206.600 €

Modèle vedette de la marque, dont elle  représente le gros des ventes, la Conti est aussi l’archétype de la GT, à la fois performante et confortable.

On another planet
Since its launch in 2003, the Bentley Continental has been considered as one of the most desirable cars in the world. Rightly so, as it combines the strong points: pedigree, performance, comfort… After fifteen years of existence – an eternity, in the automotive industry – it was nevertheless necessary to modernize it, it is done with this second generation. And if, not surprisingly, it does everything better than its predecessor, the brilliant way in which it indisputably imposes itself as the best GT in the world is admirable.
Twenty-five years of testing luxury and sports cars inevitably build a certain experience, and make it possible to objectively judge a new one. With regard to the “Conti”, however, the exercise becomes a little more delicate as the model is symbolic and calls for superlatives. I am happy to admit my inclination for the model, whose main defect in my opinion is that it has been adopted by many rappers and footballers who do not seem to me to be connected with its image and dignity, but that is another story. On the other hand, the show-off clientele has allowed it to reach a wider audience than any other model of the brand and to acquire a unique transversal status.
A philosophy that distinguishes it from the Ferrari, Lambo and Rolls Royce, which embody one or the other. At first sight, this second generation seems to be a restyling of the previous one. A serious mistake: if Bentley did not want to give up the wonderful image of his child-prodigy, the second generation of this one is entirely new. New chassis, reworked engine and advanced technologies, but also and above all a subtly modernised style that manages to be significantly more elegant without altering the fundamentals of the model: beautiful work.

Completely new
“Everything must change for nothing changes”… The new Continental is a perfect illustration of Lampedusa’s sentence made famous by Visconti. While the Bentley style desk has retained the fast back profile and marked rear shoulders, it has also designed a sharply refined front face, marked by oblong optics of very different sizes and a new grille that seems to make the model a Mulsanne coupe. This new design considerably slims the car down and makes it more elegant. At the rear, almond-shaped lights replace the large first generation optical units advantageously. All these points refine the car, the older one suddenly appearing quite unbalanced next to her younger one, and make you forget a significant size: 4.85 meters long and 1.95 wide.

Not surprisingly, the cabin also features of breathtaking luxury. Precious varnished woods (eucalyptus in this case, the one cm thick veneers give the impression of exceptional depth), soft stitched leather (three kilometres of stitching per cabin!), corked aluminium and perfect adjustments (tolerance: 0.1 mm…) form a comfortable cocoon. With the door closed, we are clearly on another planet, far from that of other car brands. Let us avoid the stereotype of “luxury, calm and voluptuousness” and evoke the nine cow skins needed to dress a passenger compartment, the fact that they are herds raised in Northern Europe because the insects are less numerous there than in the South and damage their skin less, the “guilloché” finishes of the metal parts, the fact that they are made of real metal and not chrome plastic, as is now the case with most premium brands… With the notable exception of Rolls Royce, no other brand in the world offers such a beautiful and refined interior.
As the question often arises about the habitability of the “large four-seater coupe”, it should be noted that with front passengers measuring less than 1.80 metres, the recoil of the front seats largely allows rear passengers to slide their legs behind the backrests. Nothing to do with the symbolic habitability of the 2+2: with the exception of this reserve, a long-distance trip to the rear seats of the Conti is entirely possible.

The dashboard borrows from the Porsche Panamera’s rotating central display, which can be transformed into a varnished wooden panel or into a support for additional analogue manometers (thermometer, chronograph and… compass!). The transformation of this luxurious cocoon into a concert hall is entrusted to an excellent B&O chain ensuring very fine reproduction and good spatialization. At Bentley, talking about “extended leather” is not a catalogue promise: on the dashboard, in the storm doors and even in the storage compartments of the latter and behind their handles, not a single piece of plastic is visible and the feeling is that of a luxury aiming for perfection without any concern for economy.

Technically
Underneath the sculptural bodywork are the chassis of the recent Audi A8 and Porsche Panamera and the 6.0-litre W12, now manufactured in Crewe and reworked to give 635 hp and above all 900 Nm of maximum torque, two values that herald stratospheric performance and a similar flexibility. To get past this cavalry, Bentley has adopted an 8-speed dual-clutch robotic gearbox, air suspensions and four-wheel drive, and to stop it when it has galloped, it offers nothing less than the world’s largest steel brakes (front 420 mm discs with 10 pistons, rear 380 mm and 4 pistons). To make good use of this arsenal, it is complemented by active anti-roll bars and a highly communicative new steering, all of which ultimately determine a Continental 2019 that is much more effective than its predecessor.

Drive
This program, which looks like a scrupulously ingested Prévert inventory, is the perfect time to take the wheel of the Beauty. First pleasant surprise: in the city, the car makes you forget its size and slides on a gas net. Aboard there is absolute silence, the result of very careful soundproofing, and the experience of being cut off from the outside world is particularly pleasing. Equipped with its multiple protections (radars, cameras…), the big coupe moves in traffic with ease, grace and flexibility, in a quiet forceful way. Because there is a force, we check it when we leave town for the highway. There, despite the car’s 2.2 tonnes, its 635 hp gives its full potential and allows true sporty acceleration, sending 0 to 100 in 3.7 seconds and allowing 333 km/h (on motorways in Germany, of course) for those who will enjoy the pleasure of checking the stupidity of speed limits on motorways at a time when manufacturers are creating cars as efficient and safe as the Continental GT. In countries where road regulations are governed by retrograde and demagogic ayatollahs, however, it will be necessary to pay close attention to the tachometer to keep one’s driving licence, and this is the only objective criticism that can be made of the new Conti.
Because sports behaviour and consumption, the two main reserves suffered by the first generation, are no longer open to criticism. The first thanks to the new wheeelbase and all-wheel drive system that encourages torque on the rear axle, which now allows the most experienced to discover the intoxication that a tall bourgeois woman knows how to distill when she gets out of control, at the wheel of a Continental that is significantly more lively and agile than its older sister. The mass of the W12 still weighs a lot during fast sequences on a winding track, but the balance of the car remains sovereign in all circumstances. The second because the system of deactivating a cylinder bank, which allows the engine to run in town out of only six, gave us an average fuel consumption of 13.2 litres during our test (for 12.2 litres normalized), a remarkable achievement considering the displacement and weight of the car.

However, beyond the performance, the most striking quality of the new Continental GT is its outstanding comfort, which is based as much on the soothing of the senses on board as on its soundproofing and filtration by three-chamber pneumatic shock absorbers, which contribute to the impression of a cocoon cut off from the world that you feel on board. Thinner in features despite its comparable size, it is also lighter (by 300 kg!) and more agile than its predecessor, and no longer has anything wrong with it. For all these reasons, the Bentley coupe appears to be the best GT in the world today – a wonder that cannot even be blamed for an excessive price since its direct competitors, Aston DB11, BMW M850i and other Mercedes S-Class Coupé 65, have close or higher prices, and also demand their share of options to achieve the level of completeness and customization they deserve, but which easily boost their price from 60 or 70,000 euros.

FOCUS:

Motors W12 biturbo
Transmission all-wheel drive bva 8
Puissance maxi 635 hp/6000
Displacement 5950
Max. torque 900 Nm/1350
Max. speed 333 km/h
0 to 100 km/h 3.7 sec.
Mixted consumption. 12.2 / 13.2 (normal / test)
Dimensions 4.85 x 1.95 m
Emissions 278
Weight 2252 kg

Price 206.600 €

The Conti is the brand’s flagship model, accounting for the bulk of its sales, and is also the archetype of the GT, both efficient and comfortable.