Respectable Sapeur

Habitant Nashville, Tennessee, le Dr. Keith Churchwell est un éminent cardiologue comme son frère André, présenté dans ces même pages dans notre précédent numéro – quelle famille ! Keith attribue son intérêt pour l’élégance à son père Robert, qui fut le premier journaliste afroaméricain à travailler dans un quotidien de première importance, le Nashville Banner. L’aîné des Churchwell fut immortalisé dans le best seller de David Halberstam Les Enfants. Keith se souvient qu’il a toujours vu son père tiré à quatre épingles, que cette élégance fait partie de la personnalité de son père, et que cet héritage a naturellement influencé son propre goût pour l’élégance.

L’avis de Dandy : Une veste de laine bleu marine à énormes carreaux fenêtre, un pantalon de flanelle grise et la chemise Prince de Galles coordonnée, le tout relevé d’une paire de Richelieu de veau-velours corail : belle maîtrise, Docteur ! Aucune faute de goût, un peu d’audace quand même, et les touches perso du bouton de rose, de la pochette en coins et des chaussettes noires à pois bleu électrique : du grand art.

Une élégance parisienne

Dans le petit appartement parisien de Mickael Loir on respire l’esprit du surréalisme, du dadaïsme et des artistes de l’élégance. Il m’a montré ses créations – noeuds papillon, épingles de cravates, boutons de manchettes… Il est aussi surprenant de découvrir qu’il a un job normal, sur lequel il ne s’étend pas. Je lui ai demandé s’il s’habillait de la même manière pour aller travailler, parce que si être élégant ne gêne personne, cela peut en revanche être distrayant. Il m’a répondu qu’il commençait seulement à s’habiller comme il en avait envie. Mélange d’ancien et de moderne, son look est très vintage, et à Paris – une ville définitivement fashion – il préfère enlever les marques sur ses vêtements. Et il ne se fait pas prier pour souligner que c’est l’effort que chacun met à se créer son univers – dans son cas ses amis, l’art, une voiture anglaise aussi surprenante que peu pratique, un peu de verdure sur sa terrasse – qui fait le style.

L’avis de Dandy : Une parfaite démonstration de l’art de marier les genres et de se composer un style marqué – et marquant – sans passer par les fourches caudines (et onéreuses) des maîtres tailleurs. Style Rive gauche assumé avec cette veste deux boutons en laine pied de poule grise à carreaux fenêtre jaune d’or, à larges revers et padding marqué, gants de peau couleur mastic et pochette respectivement assortis à la veste et à ses carreaux, chemise col blanc à rayures grises et blanches, noeud papillon, bracelet montre coordonné au parapluie : une belle maîtrise des harmonies de couleurs et, plus rare : des motifs (carreaux et rayures) : respect.

Trip Boggart

Acteur et réalisateur, Raymond Chu est tout jeune diplomé de la New York University, où il apprit la comédie. Il était encore étudiant lorsque je l’ai rencontré et que j’ai découvert que les racines de son style étaient ancrées dans les classiques d’Hollywood : Cary Grant, Fred Astaire, Humphrey Bogart… Il portait chapeau et trench-coat et fumait cigarette sur cigarette sur Doyers Street dans Chinatown. J’étais frappée par le fait qu’il s’habillait comme il voulait être dans la vie, et donnait un sens dramatique à la sienne. Il portait des vêtements vintage et recherchait les répliques parfaites des tenues qu’il avait vues dans ses films préférés. Et bien qu’il soit très jeune, Raymond a un sens incroyable du raffinement que l’on retrouve dans son exigence à vouloir les meilleures matières et les meilleures coupes.

L’avis de Dandy : Nonobstant la coupe de veste ajustée, Raymond respire fort les années 50 : coupe trois boutons, veste courte, revers moyens, épaules classiques, pantalon court à revers de 5, derbies très sport – bout droit rapporté, montage stormwelt, finitions vintage… Notons le petit pull cachemire col rond porté sur la chemise blanche, habillée d’un petit noeud papillon, et relevons le couple trench-feutre, très Boggie : pour un jeune homme, Mister Chu a déjà un style très affirmé.

Gatsby Revisited

Winston Chesterfield vit dans le charmant quartier de Westminster, à Londres. Après des études de droit, il s’est improvisé journaliste de mode pour le site Men’s Flair, et a lancé son blog dédié à l’élégance et au dandysme, baptisé Le Vrai Winston, dans lequel il expose que « les hommes aussi aiment les vêtements. Le style de Winston est un mixt bien pensé de marques de pointe et moins connues, qu’il marie toujours avec expertise en jouant des textures et des couleurs. Sur d’autres que lui ces combinaisons paraitraient improbables, alors que lui sait en faire un style personnel comme personne.

L’avis de Dandy : La valeur n’attend pas le nombre des années. Comme ses glorieux aînés, W. Chesterfield exprime jeune un goût très sûr de l’art et la manière de s’habiller – et de bien s’habiller. Belle démonstration d’audace contrôlée avec cette veste en laine pied de poule portée sur une chemise à carreaux Vichy et col blanc assortie d’un gilet droit uni. Une fois encore la culture du vêtement se cache dans les détails : le noeud papillon à rayures porté avec veste et chemise à carreaux, la rose à la boutonnière – tâche de couleur parfaite de proportions et d’intensité – la pochette ivoire coordonnée aux boutons de corne du gilet… Mention particulière enfin pour les richelieu Balmoral bicolores. Et malgré tout une silhouette jeune par la grâce d’une veste courte et d’un pantalon fité : un sans-faute.