Allure officier et esprit tailleur : un must de casual chic
Il y a de la prestance, de la grandeur, même, et de l’audace, dans cette création signée Hartwood. Prestance tout d’abord pour la coupe de veste à col officier, à la taille cintrée ; grandeur ensuite pour l’inspiration de vêtement militaire, typiquement tailleur ; de l’audace enfin pour l’utilisation de divers empiècements de chèvre-velours et pour la couleur originale.
Nous observons donc une veste casual chic, à mi-chemin entre veste forestière et veste d’uniforme. A la première, inspirée des vestes des garde-chasse solognots et pièce culte du regretté Arnys, elle emprunte le col au caractère gentiment décalé (celui de la Forestière est de type Mao : boutonné) et ses poches plaquées sans rabat ; à la seconde son col officier, sa coupe cintrée et ses parements de manches, attribut typiquement militaire s’il en est.
Pour le reste nous avons affaire à une création personnelle jugée unanimement craquante à la rédaction. Car si la pièce examinée ici convoque tout à la fois l’esprit des deux types de veste cités plus haut, elle se distingue surtout par l’esprit tailleur qui fait toute sa personnalité – et tient à une série de traits particuliers qui sont bien plus que des détails.
A commencer par cette coupe nettement fitée tombant parfaitement sur le corps, d’esprit typiquement tailleur. Il convient en effet de souligner ici que cette veste est la déclinaison en prêt-à-porter d’un modèle réalisé en mesure (1) depuis plusieurs années, et qu’il a fait l’objet d’un développement ad hoc. De fait la coupe du modèle prêt-à-porter est valorisante pour la silhouette par la grâce d’une poitrine large, d’une taille marquée et de fentes dorsales largement dimensionnées.
Esprit tailleur également pour le dessin des poches rapportées, de type barca (littéralement : bateau) inspiré des créations des tailleurs napolitains et caractérisé par sa ligne incurvée. De surcroît implémentées en biais, les poches latérales ne sont pas sans rappeler les costumes des élégants des années 20 et 30. Il en va de même de la pochette, relevée vers l’extérieur, figure de style qui dynamise la poitrine sur cette veste un peu décalée.
Les soufflets des poches rapportées proclament de leur côté le caractère informel de la veste, en contrebalançant l’élégance de la ligne d’une touche discrètement sport.
Et puis il y a l’originalité de la pièce, qui la dote d’une personnalité marquée. Au-delà des caractéristiques soulignées plus haut, celle-ci tient à l’utilisation d’empiècements de chèvrevelours pour le col, les bandeaux de poches et les parements de manches, et à sa couleur insolite. Dire que la qualité de la peau est remarquable serait un pléonasme : on n’est guère habitués à apprécier des peaux aussi douces que sur les plus belles pièces Hermès et Loro Piana. Assez incroyable à ce niveau de prix, même s’il est vrai qu’il s’agit d’empiècements. Mais tout de même : chapeau bas. D’un autre côté, Hartwood ne coupera pas à notre réserve habituelle concernant les vêtements intégrant des pièces de peau (voire tout en peau) : leur nettoyage, nécessairement à sec, requerra les services d’un excellent pressing. Mais tout comme on ne nourrit pas une Ferrari ou une Rolls Royce au diesel, on n’entretient pas une telle veste comme un blouson de jean.
Enfin nous avons gardé le meilleur, ou à tout le moins le plus significatif, pour la fin. Il s’agit évidemment de la couleur de cette veste. Et accessoirement du tissu dans lequel elle est montée. Entre amande et absinthe, le vert choisi par Dominique Guindon est à la fois frais et assez discret, quoi que constituant une couleur marquée. Il s’agit d’un tissu mélangé Loro Piana laine, soie et lin (respectivement 43, 32 et 25%) présentant une texture évoquant singulièrement une soie sauvage, avec ces petites irrégularités qui deviennent des qualités et confèrent à celle-ci son caractère authentique. Cette apparence particulière se voit relevée d’un aspect légèrement satiné qui donne à ce tissu mat des brillances dans le mouvement : un must dans le genre. Pas facile avec une telle couleur de coordonner la doublure. Hartwood a réglé la question en montant un satin bimberg vert acidulé qui joue parfaitement le ton sur ton. Rien à redire. Dans le détail il convient de remarquer la qualité du travail, les coutures rabattues et surpiquées et l’épaule 100% naturelle, sans aucun padding. Nos lecteurs fidèles savent notre peu d’inclination pour l’épaule napolitaine, pourtant ici l’absence de garniture n’impose pas l’inconsistance trop habituelle au genre, le mélange laine-soie-lin garantissant un tomber naturel et donnant au vêtement un aplomb que l’on ne trouve habituellement pas sur les vestes d’été.
On l’aura compris : cette déclinaison estivale en prêt-à-porter de la veste à col officier Hartwood – proposée en Harris tweed vert bronze dans la collection d’hiver – réussit un sans-faute, tant au niveau du style que des matières utilisées et de sa couleur très personnelle. Un must en soi, et l’opportunité de toucher une pièce vraiment dandy à un tarif de confection haut de gamme – une occasion pas si courante.
Veste Hartwood, tissu Loro Piana laine, soie et lin, 1750 euros.
(1) On rappellera ici que la mesure pratiquée par Hartwood est une mesure industrielle, c’est-à-dire une vraie belle demi-mesure, un véritable tailleur prenant les mesures du client et faisant fabriquer la pièce commandée avec toutes les corrections morphologiques nécessaires, à partir d’un gabarit donné. L’offre Ermenegildo Zegna Si Misura est conduite exactement de la même façon. A ne pas confondre avec les enseignes les plus prestigieuses de la confection, comme Zilli ou Kiton, qui se contentent pour leur part de retoucher des costumes prêts à porter.