Tullio Abbate, le bon génie du lac
Ici le bon génie n’est pas sorti d’une lampe mais du lac. Il s’appelle Tullio Abbate et a fait rayonner la région au-delà du microcosme des esthètes fortunés habitués à fréquenter la Villa d’Este et les autres palaces plantés dans le décor. Nous étions dans la fureur des années 80, les années fric à leur paroxysme célébraient le show-of tous azimuts, et parmi les différents cercles pratiquant cette nouvelle religion il en fut un qui représenta plus que tout autre un étalage de richesse qui serait jugé aujourd’hui indécent : celui de l’offshore.
Nous ne parlons pas ici des recherches pétrolières en mer mais de ces bateaux profilés comme des épées, qui accueillaient en été les naïades les plus sexy de St Tropez et Miami et se disputaient six mois par an un championnat du monde des super-riches. Parce qu’il fallait être très riche pour supporter le prix d’achat et d’entretien d’un tel bateau, les frais de l’équipe de mécaniciens qui le préparaient et le couvaient comme une Formule1 et des camions remorques qui le transportaient d’une course à une autre, de l’hélicoptère indispensable pour suivre la course au large, des étapes hôtelières situées dans les endroits les plus luxueux du monde où étaient logée pendant trois ou quatre jours la vingtaine de personnes nécessaire à la gestion de la course, et de la consommation délirante des engins.
Une hérésie pour les gestionnaires actuels des sports mécaniques, les courses n’étant relayées que par la presse spécialisée, et ignorées de la télévision jusqu’au jour où Didier Pironi et ses co-équipiers, puis Stefano Casiraghi, trouvèrent la mort dans l’accomplissement de leur passion. Car l’offshore était une discipline sportive passionnante associant des fusées flottantes d’une beauté et d’une puissance étourdissantes (jusque plus de 2500 chevaux fournis par trois moteurs V12 Lamborghini) qui exigeaient de leurs équipages à la fois des talents de pilote, de mécanicien et de navigateur – et un sacré courage (d’aucuns diront une inconscience – que l’on nous permette d’écrire : « de sacrées paires de c… »).
Car foncer à plus de 160 km/h sur la mer et s’y jouer des vagues ou même du seul sens de la houle, nécessite une certaine dose d’optimisme et de sûreté de soi. La folie était née avec la série TV Miami Vice, qui mettait en scène des offshores dans ce qui fut leur première destination : la contrebande de drogue près des côtes américaines, et s’était étendue à la jet-set en villégiature sur la Côte d’Azur. Le marché était entre les mains de la poignée de marques américaines spécialisées dans ce type de bateau : Cigarette, la plus connue, mais aussi Fountain, Magnum, Sonic… Jusqu’à ce qu’un petit chantier italien décide de s’y essayer également, et s’y impose rapidement. Ce chantier était celui de Tullio Abbate, installé sur le lac de Côme. C’est là que le jeune entrepreneur/pilote conçut ses premiers offshores, qui se distinguèrent rapidement par leurs performances, leurs qualités marines et leurs prix, sensiblement moindres que ceux de la concurrence.
Alors que Tullio Abbate se prépare à fêter (le 14 juillet 2019, cela ne s’invente pas !) le 50ème anniversaire de sa maison, nous avons profité de notre séjour sur le lac de Côme pour le rencontrer et revisiter avec lui l’histoire extraordinaire de sa spécialité.
50 ans d’histoire de l’offshore
L’histoire a commencé avec son grand-père, qui fut le premier constructeur du lac de Côme, s’est poursuivie avec son père, qui vit émerger Riva et Baglietto, avant que lui-même en prenne les rênes. « Il y a eu une période magnifique dans les années 60, 70 et 80, que l’on a eu l’opportunité de vivre et que l’on ne verra jamais plus, commente-t-il aujourd’hui avec un brin de nostalgie. A partir des années 90 cela n’a plus été la même chose : il y a eu la crise économique, le fisc, les lois, le bruit… le nautisme a été victime de tout cela. Et puis en 2008 la catastrophe mondiale que l’on sait, qui a été comme un coup de grâce mais auquel nous avons survécu, blessés mais vivants. Et depuis on tient le coup… »
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