Le renouveau de la cuisine saucière
Rôtisseur et cuisinier : La rôtisserie d’en face
« On naît rôtisseur, mais on devient cuisinier » cette rengaine de Brillat-Savarin, contestée par le marquis de Cussy qui accordait la primauté au saucier – que Daumier appelait « saucialistes – n’a guère de sens ici, tant la cuisine est éclectique et bien inspirée, comme l’épatante terrine de foies de volailles ou bien la très rare omelette Curnonsky au homard et écrevisses. Enseigne oblige, le poulet fermier des Landes rôti à la broche est accompagné d’une purée à l’ancienne. La carte, outre le faux filet d’une viande de race irlandaise (Hereford), annonce un paleron de boeuf lardé, braisé au vin de Cahors, pommes fondantes et carottes au cumin, moelleux et sapide. Un délice avec un givry 2011. A noter quelques vins accessibles comme le Touraine de Marionnet à 18 € la bouteille. Et toujours les quenelles de brochet sauce aux écrevisses, la cervelle meunière aux câpres, ainsi qu’un somptueux Paris-Brest. Décor, mobilier, vaisselle, tranchent par leur élégance avec nombre de gargotes du quartier. Service rodé et aimable.
Infos : Au déjeuner, formule : 25 €.
Menu carte : 39 €.
2, rue Christine. Paris 6e.
Tél. : 01 43 26 40 98.
Fermé samedi midi et dimanche.
Une dose de bonne franquette : Le Gastroquet
La cuisine bourgeoise à laquelle nous devons la splendeur mesurée d’un art de vivre à la française, a-t-elle encore un avenir ? Pour le jeune Julien Logereau qui a repris cet établissement créé il y a une vingtaine d’années, cela ne fait aucun doute : « C’est une maison provinciale à Paris. » Sans aucune ride. La cuisine bourgeoise entendait surtout concilier la dépense, le plaisir et la santé ; c’était celle du juste milieu. Aux grands plats de la cuisine opulente, le Gastroquet préfère des préparations plus modestes : les médaillons de foie gras de canard en gelée de pommes au cidre, les bouchées d’escargot en feuilleté, les noix de saint jacques d’Erquy à la fondue de poireaux. En automne toutefois, le lièvre à la royale (35 €) rappelle son origine aristocratique et saucière. Le nouveau propriétaire, il est vrai, neveu de Jacques Cagna, a été à bonne école, comme en témoignent le ris de veau sauce au jasnières, le filet de boeuf à la confiture d’oignons ou le rognon émincé en plat du jour. Quant au cassoulet, c’est le plat fétiche de l’établissement, comme le baba au rhum. Voilà la stratégie de Julien Logereau, à laquelle il ajoute une dose de bonne franquette, une vaisselle sobre, un nappage impeccable et une cave honnête. Une bonne adresse à proximité du parc des Expositions, véritable no man’s land gourmand.
Infos : Menu 25 € (dej.) Carte : 40 / 60 €
Le Gastroquet : 10 Rue Desnouettes, Paris 5e.
Tél. : 01 48 28 60 91.
Fermé dimanche. Parking au 371, rue de Vaugirard.
Retour vers le futur : Ledoyen
Yannick Alléno est, depuis juillet dernier, son propre patron chez Ledoyen, une table historique du Carré des Champs Elysées. Ni salarié, ni consultant mais patron, ce qui n’est pas sans risque. D’autant qu’il a l’ambition de relégitimer les sauces, composants de base de la cuisine classique, mais en utilisant les moyens d’aujourd’hui. Constatant un jour qu’un fond de terrine, mi gelée, mi liquide, était bien plus goûteux que la terrine elle-même, Yannick Alléno prit conscience que ce type de saveur ne pouvait seulement résulter d’une réduction par la chaleur. Il s’est alors penché sur les techniques d’extraction (cuisson sous-vide à juste température pendant une durée déterminée puis concentration par le froid) avec le chercheur Bruno Goussault, qui travaille la question depuis longtemps. Alors fenouil, céleri, topinambour, poulet et sole, se sont métamorphosés en véritables philtres, comme au temps de l’alchimiste Paracelse, lequel avait découvert à travers la spagyrie l’art de séparer et de combiner les constituants des corps. Au goût le résultat est féérique, semblable au jeu d’un pianiste virtuose, qui mêle agilité et densité, deux caractéristiques aussi de cette cuisine. Saveur éblouissante d’un pain de brochet servi avec une extraction de champignons et corail de homard, délicatesse des moules de bouchot au jus et extrait de cabillaud, pommes voilées et grains de caviar. Un sort identique est réservé au turbot épais rôti avec son os à moelle – somptueux – comme à la poularde à l’extrait de panais. Service impeccable et cave à l’unisson. Les trois étoiles, déjà, sont plébiscitées par la clientèle.
Infos : Menus : 128 € (déj.) – 295 €.
Ledoyen. Carré des Champs Elysées. 1, avenue Dutuit – Paris 8e.
Tél. : 01-53-05-10-01.
Fermé samedi midi et dimanche. Voiturier.