Speake-Marin : la valeur sure des horlogers indépendants
Connaître l’homme c’est pouvoir appréhender son oeuvre
Peter Speake-Marin est né en 1968 en Angleterre, d’une mère anglaise et d’un père Gallois. Il vécut toute son enfance dans l’Essex, au nord de Londres, avant d’intégrer en 1985 le Hackney Technical Collège, où il apprit les rudiments de l’horlogerie avant de rejoindre le Wostep de Neuchâtel. Ses diplômes en poche il retourna en Angleterre, pour travailler en qualité d’horloger dans une boutique d’Oxford d’abord, puis pour Piaget à Londres. Sa carrière prend un tournant décisif en 1990 : il intègre cette année-là la boutique de montres anciennes de Georges Somlo, au coeur de Picadilly. Pendant sept années à la tête du département restauration de ce lieu très connu des collectionneurs, il restaure tous types de créations horlogères antérieures à 1950. Sa formation académique et cette expérience en immersion dans les complications horlogères traditionnelles l’influenceront jusque dans ses créations les plus récentes. Cette expérience acquise, en 1997 il retourne en Suisse, au Locle, chez Renaud et Papi, entreprise de fabrication de mouvements, où il intègre le département hautes complications. C’est l’occasion pour lui de mettre en application l’expérience acquise chez Somlo, et de la transposer sur des mouvements modernes utilisant des matériaux et une technologie de pointe. Parallèlement à son activité professionnelle, Peter nourrit l’ambition de créer sa propre montre. Il profite d’une chambre libre dans l’appartement qu’il partage avec Daniela, son épouse, pour se créer un petit atelier qui va rapidement devenir son antre de création. Il y passe tout son temps libre, et en 2000 il peut exhiber l’oeuvre qui lui donnera la confiance nécessaire pour se lancer dans la création horlogère.
Entre créations et collaborations
La « Foundation Watch » de Speake- Marin va jeter toutes les bases esthétiques du travail de l’artiste. La forme de la boîte, le travail du cadran, les aiguilles, la couronne et le logo, se trouvent déjà sur cette montre de poche, prototype de la production à venir. Les tout premiers modèles de la jeune marque seront commercialisés en 2003. Ils forment la collection originelle. En cette année où l’Angleterre est mise à l’honneur par le jubilé de diamant d’Elisabeth II et les Jeux Olympiques, un sujet de Sa Majesté, génial horloger concepteur, se distingue dans la galaxie horlogère de luxe. Bien connu des collectionneurs, il se nomme Peter Speake-Marin. Speake-Marin propose des montres-bracelets rondes de 38 mm de diamètre, relativement épaisses, avec des cornes droites, des cadrans spécifiques en émail ou en or guillochés ou gravés, intégrant un calibre ETA 2824 retravaillé et décoré selon les codes qu’il impose à la marque. Ces mouvements automatiques industriels réputés pour leur fiabilité et leur robustesse sont rebaptisés FW2012 et font l’objet d’un travail d’optimisation minutieux répondant aux attentes de l’horloger. La production et la distribution de ces produits se fait dans le cercle très fermé des grands collectionneurs. Son activité créative ne pouvant suffire à le faire vivre, Peter Speake-Marin met son talent au service d’autres projets audacieux. En 2004 il est contacté par Maximilian Büsser pour le développement d’un Tourbillon pour Harry Winston, avant de le rejoindre dans la fabuleuse épopée MB&F qui donnera naissance à la « Horological Machine n°1 » en 2005.
Peter Speake-Marin relèvera aussi le défi de développer la marque « les Maîtres du Temps » fondée par Steven Holtzman, qui se distingue par son ambition de faire travailler ensemble les plus talentueux Maîtres Horlogers pour la création de garde-temps incroyables.
Emancipation
En 2008, Peter Speake-Marin se trouve face à un dilemme : continuer à travailler en collaboration avec d’autres artisans ou se lancer à corps perdu dans le développement de sa propre marque. Durant ses huit années de liberté créative il s’est fait un nom au sein des professionnels du secteur et dans le monde des collectionneurs, mais sa production demeure confidentielle. Il n’a développé qu’une petite série de collections : la collection originelle, la série artistique, les pièces de complication et les pièces uniques. La qualité de son travail jouit d’une excellente réputation mais Peter Speake-Marin nourrit une nouvelle ambition : la création d’un mouvement « in house ». Il va s’y consacrer pendant plus de deux ans pour, en 2010, offrir la « Marin 1 ». Cette montre sera la première expression de son savoir-faire et le point de départ d’une nouvelle phase dans le développement de la marque. Peter Speake-Marin travaillait au développement du calibre SM2 lorsqu’un client lui fit une demande particulière. Il voulait une montre trois aiguilles d’aspect classique, mais aux proportions contemporaines. Testé dans une série limitée de vingt pièces, le nouveau calibre SM2 semblait pouvoir correspondre à ces attentes mais il fallait revoir certains points de détail. A commencer par la boîte, passée de 38 à 42 mm de diamètre, format correspondant plus aux critères contemporains. Pour autant, la forme demeurait la même que celle de la collection originelle, que Speake-Marin a baptisée Picadilly. Grâce à elle les montres Speake-Marin demeurent reconnaissables entre mille, tout en conservant un semblant d’aspect classique.
La beauté avant tout
Il n’est pas de perfection horlogère sans esthétique soignée. Peter Speake- Marin, qui cumule les fonctions de designer, concepteur, constructeur et commercial de la marque, se trouve en début et en fin de chaîne. Il bénéficie des retours de ses clients de manière très directe, et cela peut influencer son coup de crayon. La construction des cadrans Speake-Marin est unique à la marque. L’horloger s’attache la compétence des meilleurs artisans cadraniers du monde. Il n’hésite pas à traverser les océans pour aller rencontrer de véritables artistes, et leur commander une oeuvre qu’ils mettront jusqu’à six mois à réaliser.
Marin 1 : Naissance d’un ADN
La Marin 1 rassemble ce qui devient petit à petit l’ADN de la marque, à tout le moins ses codes. Un boîtier d’inspiration officier, rond, de 38 ou 42 mm de diamètre, dont les attaches de bracelet, autrement appelées « cornes », sont droites et équipées de barrettes vissées. Ce boîtier a une épaisseur de 14,5mm et est équipé d’une couronne de type Louis XV, inspirée des montres à gousset du XVIIIème siècle. Jusqu’alors en or ou exceptionnellement en acier sur les premières pièces de la marque, le boîtier « poli miroir » est proposé désormais en titane de grade 5 pour la Marin 1. La légèreté de ce matériau ultra rigide et très difficile à travailler confère à la montre un équilibre et un confort nouveaux. Le fond de boîte est clipsé, ne pouvant être ouvert qu’avec un outil spécial et laissant apparaître à travers sa glace saphir le superbe mouvement fini, anglé et monté à la main. Ce qui surprendra l’observateur éclairé regardant ce fond de boîte, ce ne sont pas les ponts en argent, mais la forme du rotor de remontage du mouvement. Celui-ci a en effet une forme particulière, inspirée d’une roue d’entraînement d’une machine du XIXème siècle, qui servait à arrondir le profil de denture des roues de mouvements. Cette forme est en quelque sorte de logo de Speake-Marin. On la retrouve au niveau des rotors pour les montres mécaniques à remontage automatique, et directement imprimée sur le cadran pour les montres à remontage mécanique.
Marin 2 « Thalassa » : la confirmation
Après le succès de la Marin 1, Peter Speake-Marin se devait de confirmer les espoirs placés en lui pour définitivement sortir de l’ombre. La Marin 2 « Thalassa » sera ce révélateur. Produite à 30 exemplaires, elle tire son nom de la couleur bleue de la partie extérieure du cadran, la partie intérieure étant réalisée en saphir pour laisser apparaître le superbe mouvement SM2m, qui est une évolution à remontage manuel du calibre « In house » de la marque. Ce même mouvement est entièrement visible à partir du fond de boîte en saphir et se laisse admirer en totalité, sans qu’une masse oscillante n’en cache une partie. L’observateur se laissera emporter par le mouvement circulaire continu de la roue d’entraînement battant à 21600 variations / heure, signature et logo Speake-Marin apparente sur le cadran et faisant office d’aiguille des secondes. Le tout est confiné dans une boîte en or gris de 42 mm de diamètre. La Marin 2 « Thalassa » a été saluée par toute la profession et a permis à la maison de remporter deux prix internationaux de premier plan à Kuala Lumpur (Starhill Gallery JTT Award , Malaisie) et à Las Vegas (Couture Design Award , USA), qui ont amené Peter Speake-Marin à s’apercevoir de l’opportunité que représente cette reconnaissance.
« Spirit » of Speake-Marin, début d’une success story
Les clients de Speake-Marin sont avant tout des collectionneurs et des amateurs avertis. Pour sortir de ce segment, Peter Speake-Marin devait repenser ses produits et les rendre moins exclusifs, tout en conservant leur singularité. Il se souvint alors d’une montre qu’il avait restaurée lorsqu’il était jeune horloger et qu’il avait portée quinze années durant. Il s’agissait d’une montre militaire, simple et robuste. Partant de ce postulat, il essaya d’imaginer la montre « militaire » qu’il pourrait lui-même fabriquer, répondant à ce cahier des charges de simplicité et de robustesse, tout en conservant l’ADN Speake-Marin. Le 11 novembre 2011, à Londres, il présentait la « Spirit », une montre de 38mm de diamètre reprenant tous les codes Speake-Marin, réalisée en acier, utilisant le calibre automatique FW2012 des débuts, et montée sur un simple cuir de veau. Le tout paré d’un style néo-vintage à souhait, et édité à seulement 68 exemplaires.
« Renaissance », ou le lien maintenu avec l’horlogerie d’exception
Ne pouvant se détourner bien longtemps des pièces de haute horlogerie, Peter Speake-Marin proposait en janvier 2012 une pièce exceptionnelle.
Il s’agit d’une montre à tourbillon et répétition des heures, quarts, et minutes. Il la voulait comme étant une synthèse de tout le savoir-faire cumulé depuis une dizaine d’années. Cette montre reprend tous les codes maison jusque dans le dessin de la cage du tourbillon.
Le début d’une nouvelle ère
La légitimité horlogère désormais acquise, associée à une reconnaissance grandissante de la part d’un public de plus en plus large, Peter Speake- Marin peut développer des montres susceptibles d’être produites en plus grandes séries. C’est le cas de la « Serpent Calendar » présentée en mars 2012, réédition d’un modèle proposé en 2004. Ces choix permettent à la maison d’envisager de produire jusqu’à 500 pièces en 2012, contre 166 en 2011, ce qui se traduit par un rapport qualité/prix inédit pour la « Serpent Calendar » dans cette catégorie de produits. Speake-Marin est devenue une marque horlogère à part entière, composée de sept personnes dont trois horlogers. Son fondateur en reste l’âme et l’inspiration. Le développement de la marque a pris deux directions parallèles en s’ouvrant à un public amateur de nouvelles tendances et d’originalité d’une part, et en continuant à satisfaire une clientèle originelle en recherche de produits exceptionnels de haute horlogerie d’autre part. En relevant le défi d’une diffusion élargie à un public amateur de belle horlogerie, Peter Speake-Marin est devenu le leader de ces artistes indépendants débordants de créativité.
Par Thierry Gasquez, Président de Passion Horlogère.