Pointure N°36 est en kiosques et sur tablettes
Ce sera donc finalement un bon millésime. Ce n’était pas gagné d’avance. Le repli sur les fondamentaux dicté par la conjoncture a amené les marques à plus de réserve dans la conception de leurs nouveaux modèles, et dissuadé certaines audaces.
Résultat des courses : une saison qui fait la part belle aux classiques revisités. Au bout du compte, qui s’en plaindra ? A la notable exception des créations les plus improbables et spectaculaires, jamais peut-être on n’avait eu l’occasion d’observer – d’admirer, dans certains cas – autant d’expressions de la belle chaussure traditionnelle, des plus académiques aux plus délurées, ces dernières présentant par rapport à celles des années précédentes la particularité de rester portables – ici aussi à quelques notables exceptions près…
Au milieu de cette pléthore de nouveautés, certains remarqueront la nette progression du Blake, qui a gagné ses lettres de noblesse jusque dans le très haut de gamme. Cette éternelle question du montage… L’aristocratique Goodyear faisant face aux attaques sournoises d’un Blake roturier. Un peu tard d’époque.
Car même les puristes doivent admettre qu’un Goodyear bien fait ne présente aujourd’hui plus de réel intérêt par rapport à un Blake de qualité. Il faut en effet savoir que, à de rares exceptions près ici encore, un Goodyear n’est plus fait aujourd’hui comme hier. Il n’est pas plus solide et ne dure pas plus longtemps qu’un Blake, et ce dernier se ressemelle désormais très bien s’il est bien fait.
Autrefois toutes les chaussures étaient montées en Goodyear. Elles sont aujourd’hui une minorité, et les fabricants savent faire des Blake qui ont exactement l’aspect d’un Good’, avec l’avantage de la souplesse et du confort.
D’aucuns objecteront la noblesse de la fabrication Goodyear. Ce fut vrai. Mais ce n’est plus toujours le cas, loin s’en faut ! Où est la noblesse dans un mur de gravure en toile collée ? Ce qui était noble, c’était de prendre une première de belle qualité, suffisamment épaisse pour pouvoir gravurer le mur afin de pouvoir ensuite y coudre la trépointe. Où est la noblesse aujourd’hui lorsqu’une machine colle un ruban de mur en toile sur la première ? Qui de nos jours pratique encore le mur rapporté ? Les bottiers, quelques maisons de prestige sur certains modèles, et une poignée de petits ateliers italiens, qui n’ont pas intérêt à investir dans des machines coûteuses et préfèrent continuer à effectuer tout le travail à la main. Cela force à relativiser.
Par ailleurs certains modèles seront toujours plus propices que d’autres au montage Goodyear, et ce dernier conserve ses qualités et ses avantages. Ses inconditionnels aussi.
C’est une fidélité respectable.
Mais au milieu de cette version bottière de la querelle des anciens et des modernes, nous avons à Pointure l’obligation de distinguer l’intérêt historique de la réalité technique, et de vous permettre d’affiner vos opinions en toute connaissance de cause. Voilà qui est fait.
Yves Denis – ydenis@dandy-mag.com